Ces jours-ci, on entend beaucoup parler d'Auschwitz et de l'holocauste à l'occasion du 70ème anniversaire de la libération d'Auschwitz. Ce massacre inimaginable est tellement énorme, a été perpétré avec un tel cynisme et dans de telles proportions qu'il m'est impossible de percevoir son immensité ou d'entrevoir l'état d'esprit qui a pu aboutir à sa mise en marche. Mais parfois, pour appréhender ne serait-ce qu'un tout petit peu quelque chose qui aussi difficile à entrevoir, il faut se pencher sur les détails. Alors pour célébrer cet anniversaire, je vous offre trois petits bouts de mémoire : un document, un nom, un lieu.
Un document : le télégramme "Höfle".
Il a été envoyé le 11 janvier 1943, intercepté et décrypté par les Anglais, qui n'ont pas compris sa signification. Redécouvert en 2000, il a enfin dévoilé son terrible secret : c'est un compte-rendu du nombre de personnes éliminées en application de l'opération "Reinhart", l'opération qui visait à éliminer les Juifs, Roms et autres Tziganes de Pologne. Le télégramme dénombre les arrivants dans les camps d'extermination de Majdanek (L), Treblinka (T), Sobibor (S) et Belzec (B) jusqu'au 31 décembre de cette année-là. Avec un total de 1 274 166. Le nombre de victimes massacrées, minutieusement rapporté par les bourreaux. Un nombre tel que l'imagination ne peut pas le concevoir. Des personnes, des hommes, des femmes, des enfants. Et ce n'était que le début.
Un nom : Max Heiliger. C'est le nom sous lequel étaient enregistrés les comptes en banque qui contenaient les objets de valeur volés aux victimes des camps d'extermination sur les lieux même de leurs assassinats : les dents en or, les alliances, jusqu'aux montures de lunettes en métaux précieux. Il fallait bien "blanchir" tout cet or, l'entreposer en sécurité, alors le président de la Reischbank imagina ce client particulier : "Heiliger", de heilig, "saint", puisque ce client était déjà au ciel... Le cynisme à l'état pur.
Et enfin, un lieu : Belzec, en Pologne, un camp d'extermination. On parle beaucoup d'Auschwitz, parce qu'après la guerre il reste des bâtiments à visiter et des survivants pour en parler. Mais Belzec était un camp d'extermination pur qui a fermé en 1943 ; les Allemands l'ont entièrement démonté, ont passé un an à exhumer les corps, à les brûler, jusqu'à réduire les os en poussière pour dissimuler leurs méfaits. Il n'y a eu que deux survivants connus, et un seul qui ait vécu assez longtemps pour témoigner ; personne pour identifier les nazis qui ont participé à ce massacre, et par conséquent une seule condamnation (à 4 ans et demi d'emprisonnement...). Et pourtant, on estime le nombre de victimes entre 450 000 et 600 000. Le troisième camp le plus meurtrier après Auschwitz et Treblinka. Celui dont on ne sait rien, celui dont les victimes ont réellement été éliminées, jusqu'au bout.
Ca fait 70 ans. J'espère qu'on en parlera encore dans 100 ans, qu'on n'oubliera jamais, jusqu'aux moindres détails.
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