En ce beau mois de janvier, les températures ont soudain plongé, non seulement en Finlande, mais aussi dans une bonne partie de l'Europe. La grosse différence, c'est qu'un -10° rend les "continentaux" hystériques, les Finlandais ne se retournent même pas sur un -20° en journée : ils y ont droit presque tous les ans. Alors, moi qui suis passée d'un régime à l'autre, je vous révèle en exclusivité les trucs qui font que les Finlandais, ces êtres humains comme les autres, survivent à des températures négatives qui vous semblent inimaginables !
Petite précision pour commencer : j'habite dans le sud de la Finlande, un pays qui s'étend en longueur jusqu'au-delà du cercle polaire. Ici, les différentes villes ont des climats différents, et la région du sud est épargnée par les températures extrêmes que l'on trouve dans le nord - jusqu'à -50°. J'ignore comment on survit à ça. Je vous parle de mon expérience de "sudiste", et le pire que j'aie eu à affronter, c'est du -25°. Ce qui est déjà pas mal.
Autre précision importante : non, on ne s'habitue pas à ce genre de climat. Comme partout, les gens sont plus ou moins frileux, mais personne ne se ballade en t-shirt en hiver. Les Finlandais ne sont pas des surhommes : ils adaptent leur mode de vie. Moi-même, je suis particulièrement frileuse - j'ai souvent eu très froid en hiver quand j'habitais encore Belgique (ou quand j'y retourne). Et pourtant, je survis ici. C'est donc qu'il y a un truc, ou plutôt, des trucs. C'est ce qui fera l'objet du billet d'aujourd'hui.
1. Le climat à Helsinki
Non, il ne fait pas TOUJOURS froid à Helsinki : en été, les températures montent très régulièrement au-dessus de 20°. Mais l'hiver, ne nous le cachons pas, il fait plutôt froid. La température la plus basse qui ait été enregistrée ici, c'est -35°.
Ceci dit, ça pourrait être pire. D'abord, le Gulf Stream réchauffe bien l'atmosphère, compte-tenu de la latitude à laquelle elle se trouve. En plus, en hiver, l'atmosphère y est beaucoup plus sèche qu'en Belgique par exemple, ce qui diminue la sensation de froid. Celle-ci est aussi influencée par le vent : Helsinki étant en bord de mer, ça a tendance à souffler, mais il est possible de se protéger.
En hiver, à Helsinki, le soleil peut être présent (plus il fait froid, plus il fait beau en général), mais pas longtemps : il se couche très tôt et se lève tard. Pendant plusieurs mois, le travailleur normal arrive au boulot quand il fait sombre et en repart alors que le soleil est déjà couché. En plus de ça, le soleil ne monte jamais très haut au-dessus de l'horizon, ses rayons sont rasants. Heureusement, la neige qui reflète la lumière compense un petit peu.
2. Première technique pour ne pas avoir trop froid : rester à l'intérieur.
Les Finlandais vivent avec le froid et beaucoup d'habitants du sud viennent en fait du nord, où ils ont depuis des générations l'expérience de la survie aux hivers longs et très rigoureux. La construction s'en ressent : les bâtiments sont bien mieux isolés que chez nous, avec, par exemple, des doubles fenêtres : un simple vitrage, un espace d'une dizaine de centimètres, puis un double vitrage, les deux vitres s'ouvrant séparément. Dans les maisons, les sas d'entrée sont aussi très répandus.
Je n'ai pas assez d'informations pour généraliser, mais il me semble que le chauffage est moins cher qu'en Belgique - peut-être parce qu'il existe de nombreuses techniques de chauffage dont certaines très économiques (à l'eau à haute pression chauffée par les centrales électriques, à la pompe à chaleur électrique, à la chaleur terrestre, etc). Alors qu'il est très courant en Belgique de faire des économies en coupant le chauffage pendant la nuit, c'est très très peu répandu par ici. Il faut dire qu'avec des températures largement négatives, couper le chauffage signifie prendre le risque de voir les canalisations geler pendant la nuit, ce qui pose de très graves problèmes.
De façon générale, les maisons et appartements sont tous bien chauffés, bien mieux qu'en Belgique. Un Finlandais souhaite pouvoir se promener en t-shirt et pieds nus chez lui, quelle que soit la température dehors. En plus de ça, les bâtiments publics et les transports en commun sont également chauffés, et au centre-ville, il y a moyen de se déplacer sur d'assez longues distances en passant par des sous-terrains (chauffés). Les centres commerciaux sont nombreux.
En bref, quand il fait très froid, la première chose que font les Finlandais c'est d'éviter autant que possible de mettre le nez dehors, et quand il faut le faire, de limiter au maximum le temps à l'air libre. La vie est organisée en fonction de cela.
3. Deuxième technique : s'habiller chaudement
Voilà une recommandation qui tombe sous le sens : habillez-vous chaudement. Notez au passage que j'ai déjà eu bien froid par +10° en Belgique, en me disant "il ne fait pas très froid" et en ne me couvrant pas assez pour faire face au vent. Au moins, quand il fait -10°, on ne se pose pas la question.
Comment s'habiller pour avoir le plus chaud possible ? Le mot d'ordre est simple : superposition. Plus il y a de couches, mieux c'est ! L'air entre les couches agit comme isolant.
Parce exemple, en ce qui concerne le torse, au lieu d'un t-shirt et d'un gros pull, je mets un t-shirt à manches longues, un sous-pull en laine fin, et un pull par au-dessus. Pour le bas, je mets des bas-collant en nylon sous le jeans quand il fait -5°, que je remplace par des bas en laine quand il fait -10° ou par des des caleçons longs spéciaux (on en trouve dans les magasins de sport aux rayons "sports d'hiver") quand il fait -15° et en-dessous. Il faut juste prendre soin de choisir des vêtements dont la matière est agréable à porter ; se balader toute la journée avec un collant ou un sous-pull qui gratte, c'est un avant-goût de l'enfer.
La veste d'hiver est aussi un point important, mais à ce niveau-là, il y a deux écoles : ceux qui souhaitent une veste très chaude qui leur permettra de ne pas devoir accumuler les couches en-dessous (très pratique car il suffit de la retirer une fois à l'intérieur pour être à bonne température), et ceux qui préfèrent les vestes "normales" et accumulent les épaisseurs de pulls. Les premiers devront se tourner vers quelques marques très sélectives, très très chères (mettez 300 à 500 euros facile), et pas particulièrement esthétiques. Les seconds trouveront leur bonheur parmi les marques que l'on trouve tout aussi bien en Belgique, mais devront être prêts à supporter le froid s'ils choisissent de passer un peu plus de temps dehors. Les plus chanceux tomberont sur une belle veste bien chaude à des prix abordables, par exemple dans les magasins de sport, mais il faut un peu de chance.
Au niveau des chaussures, là aussi le choix doit être judicieux, car elles devront pouvoir vous porter dans les pires conditions : le froid, la neige, le verglas, la neige fondue... Il faut donc qu'elles soient confortables, étanches, suffisamment larges pour accueillir deux paires de chaussettes ("superpositions", vous vous souvenez ?), sans talons (ou alors il faut un vrai talent d'équilibriste sur glace) et la semelle doit adhérer un minimum au sol. Qui plus est, en Finlande, on retire ses chaussures en entrant dans les bâtiments privés, il faut donc pouvoir les enlever sans y passer des heures (à bas les lacets !). Ca fait beaucoup de conditions, et il est souvent difficile d'y ajouter l'esthétisme. Qu'à cela ne tienne, les Finlandais ont trouvé la parade : ils gardent une paire de jolie chaussures au bureau et font le trajet sur des grosse bottes confortables parfois infâmes. J'ai un jour assisté à un mariage en hiver : toutes les femmes sont arrivées en bottes sous les robes, avec leurs escarpins dans leur sac, et ont fait l'échange sur place.
Enfin, les accessoires ne doivent pas être négligés. Les gants, cela va sans dire : quand il fait très froid, je superpose une paire de gants très fins et une paire de gants épais et doublés, à moins qu'il ne s'agisse de moufles, moins pratiques mais encore plus chaudes. Dans ces conditions, oubliez l'utilisation du smartphone en extérieur : retirer ses gants quand il fait très froid, c'est s'exposer à avoir les mains qui piquent douloureusement pendant plusieurs jours (j'ai essayé). Un autre accessoire auquel nous avons moins l'habitude de penser, nous les Belges, c'est le bonnet : indispensable, ne serait-ce que pour les oreilles. En arrivant ici, j'ai été épatée par la variété dans les types de bonnets existants, et les Finlandais arrivent à en faire un accessoire de mode plus qu'un bête cache-tête. Il suffit d'avoir l'attitude : je porte maintenant mon énorme pompon rose sans la moindre honte. Enfin, il y a l'écharpe ; je suis fragile de la gorge, alors je cumule col roulé, col haut de la veste et grosse écharpe nouée par au-dessus (beaucoup de Finlandais mettent l'écharpe au-dessus de la veste). L'écharpe peut aussi être remontée pour protéger le nez.
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Même pas froid ! |
En ce qui concerne les enfants, ici, ils sont tous au même tarif : combi de ski, carrément, dès leur plus jeune âge. Par au-dessus des vêtements "normaux" bien sûr. C'est terriblement mignon. Par contre, je me suis longtemps demandée comment on arrivait à faire entrer un jeune enfant (disons, deux ans), tout gigotant, dans une telle combinaison. C'est parfois tellement difficile de leur enfiler une simple veste ! Puis j'ai eu droit à une démonstration : la maman a étendu la combi sur le sol, entièrement ouverte, a assis l'enfant au milieu, a enfilé d'abord les pieds, puis les bras, et il n'y avait plus qu'à remonter la tirette. CQFD.
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Un petit cochon réfléchissant sur ma veste |
Dernier accessoire auquel il faut penser : l'objet ou la bande réfléchissant(e). En hiver, il fait tellement sombre que les voitures ne voient pas bien les piétons - d'autant plus que le soleil, quand il est là, est le plus souvent rasant et éblouissant pour les conducteurs. La plupart des Finlandais ont leur petit objet réfléchissant accroché à un sac, une poche ou un manteau, ou bien une bande autour du bras. Mine de rien, ça peut sauver des vies, en Belgique aussi.
4. N'oubliez pas les cosmétiques
Lors de mon premier hiver ici, j'ai vu de nombreuses femmes dans les transports en commun sortir leur petit tube de crème et s'enduire les mains. Je pensais qu'il s'agissait d'une drôle de coutume, mais quelques semaines après, j'ai compris la raison : avec le froid et l'air sec, la peau sèche. Il suffit de se laver les mains plusieurs fois par jour, et la peau se craquèle jusqu'à saigner (là aussi, j'en ai fait l'expérience). Ca dépend de chaque personne, évidemment, mais c'est un risque à ne pas négliger.
C'est d'ailleurs valable pour tout le corps : tout doit être régulièrement hydraté, sans quoi ça tire et ça gratte sous les vêtements. En ce qui me concerne, c'est le visage, les lèvres et les mains qui souffrent le plus. Heureusement, il y a des tas de crèmes variées pour y remédier, il suffit de trouver celle qui vous est le mieux adaptée. Comme les Finlandaises, je ne sors plus sans mon petit tube de crème pour les mains et mon tube de beurre de cacao et j'en remets régulièrement pendant la journée. Même les cheveux y passent : j'ai ajouté un masque hydratant à chacun de mes shampoings, sans quoi mes cheveux deviennent secs et cassants.
5. Vaincre le manque de lumière
On dit souvent que dans le nord, ce qui rend l'hiver difficile, ce n'est pas le froid mais l'absence de lumière. Je ne peux pas le nier : l'absence de lumière nous incite à ralentir le rythme, à moins sortir et à dormir beaucoup plus. En ce qui me concerne, j'ai aussi tendance à manger plus et à avoir des insomnies. Chez certains, ça peut aller jusqu'à provoquer des dépressions saisonnières. Ces effets sont directement liés au manque de luminosité et touchent chaque personne différemment.
Parmi les astuces pour vaincre ce mal, il y a la luminothérapie, qui est l'exposition régulière à une lampe spéciale qui imite la lumière du soleil. C'est efficace, paraît-il, surtout contre la fatigue. J'ai souvent songé à en acquérir une mais je ne l'ai jamais fait. Beaucoup de Finlandais font aussi des cures de vitamines en hiver (surtout vitamine D). J'ai essayé et je n'ai pas ressenti de grosse différence, mais il paraît que certains ne peuvent pas s'en passer (en tous cas, ça ne peut pas faire de mal). Les Finlandais sont aussi les champions toute catégorie de la consommation de café, et on peut dire qu'en hiver, ça aide à tenir les yeux ouverts.
Mes "trucs" à moi concernent plutôt mon mode de vie. En été, ce qui me tient éveillée plus longtemps, c'est le plaisir de profiter d'une journée radieuse pour faire tout ce que le soleil me permet de faire. Alors j'ai décidé d'adopter le même état d'esprit en hiver : profiter de tout ce que cette saison peut apporter, de façon à avoir envie de se lever le matin à cause de toutes les belles choses qu'il y aura à faire. Quand j'en ai l'occasion, je sors marcher dans la neige (voire sur la mer gelée, une belle expérience) ou faire de la luge le plus souvent possible, c'est revigorant. Les sportifs apprécieront le patinage en extérieur, et un jour, je tenterai le ski de fond. Le matin, je prends le temps de regarder le lever du soleil, et le soir, son coucher. Une fois le soleil couché et ma journée terminée, j'allume des bougies pour créer une ambiance qu'il est impossible d'avoir en été, quand le soleil va coucher après moi. Et pour éviter au maximum l'insomnie, j'ai tout un rituel du soir : une boisson chaude et sucrée avant de se préparer à dormir, et puis de la lecture au lit. Jusqu'à présent, ça a assez bien marché.
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Séance de patinage sur mer gelée |
6. Les déplacements sur neige et verglas
A ce niveau-là, je vais vous décevoir : il n'y a pas de miracle. Les pneus neige (pas cloutés) sont obligatoires en hiver, ce qui fait une grosse différence pour les conducteurs. Mieux encore, la neige est déblayée rapidement car les services publics ont les ressources nécessaires pour le faire. Les routes sont saupoudrées non pas de sel (qui n'agit plus sous une certaine température) mais de fin gravier qui s'incruste dans la glace et la rend moins glissante. Ce qui n'empêche pas d'avoir de temps en temps des journées catastrophiques, quand par exemple il tombe une grande quantité de neige en une fois et que les autorités sont débordées. Mais les Finlandais prennent ça avec d'autant plus de philosophie qu'ils y sont habitués.
A part ça, par rapport à la Belgique, il faut bien noter que les conditions sont du côté des Finlandais : il y a peu de côtes et la neige est plus sèche, plus poudreuse et finalement beaucoup moins glissante que la neige mouillée qui gèle la nuit à la quelle on a droit en Belgique. Elle est aussi suffisamment fréquente pour que les autorités publiques et les particuliers possèdent tous le matériel adéquat. J'ai conduit sur la neige en Finlande, en pleine tempête, sans trop de problèmes, tandis que j'ai eu la peur de ma vie sous quelques minuscules flocons belges. Comme je l'ai déjà expliqué
dans un autre article, les deux situations sont incomparables.
Voilà, c'étaient les petits trucs et astuces des Finlandais pour survivre à un hiver qui est bien pire que notre hiver belge. Beaucoup de ces habitudes peuvent facilement être transposées n'importe où. Je le répète, les nordiques sont des hommes comme les autres, tout aussi frileux que vous et moi. Maintenant que vous connaissez leurs petits secrets, vous aussi pourrez faire face à l'hiver comme des pros !