Tuesday 28 October 2008

Passer d'un monde à l'autre

C'est toujours une joie, quand on est expatrié, de revenir pour quelques temps passer des vacances dans son petit pays. Retrouver les gens qu'on aime, les endroit qu'on connaît par coeur, les habitudes et les plaisirs de toute une vie. Mais, mine de rien, ce n'est pas toujours aussi facile qu'on pourrait le penser: il s'agit de passer littéralement d'un monde à l'autre.

Pour moi, retourner en Belgique, c'est me réinstaller dans ce que j'appelle toujours mon "chez-moi". Mais c'est aussi changer totalement d'ambiance. Je passe d'un petit ménage à deux, en appartement, auprès d'un ours relativement silencieux et particulièrement calme, à une maisonnée de 6 à 7 personnes suivant les jours, grouillante et agitée, aux allures de colonie de vacances. Tandis qu'à Helsinki je vis ma petite vie sans soucis et sans personne dont je doive me préoccuper, à Gesves je tombe au milieu d'un enchevêtrement de relations complexes et de caractères affirmés: entre celui avec qui il faut surveiller sa langue pour ne pas le vexer, celle que la fatigue rend aggressive, celui qui a un oeuf à peler avec celui-là et celui qui boude celle-là, les manies, susceptibilités et besoins de chacun... il faut savoir trouver sa place. Et puis il y a le côté pratique: depuis longtemps, je n'ai plus l'habitude d'organiser les repas en fonction des goûts et horaires de tout ce petit monde, de faire la file pour passer à la salle-de-bain, de raccourcir ma douche pour laisser de l'eau chaude aux autres, de cuisiner, ranger et nettoyer pour sept... Il m'a fallu des mois pour m'habituer au silence et à la solitude, et tout à coup, me revoilà plongée dans une marmite bouillante de conversations à prendre au vol, de gens qui s'appellent d'une pièce à l'autre à pleine gorge. Le temps d'un trajet en avion, il faut que je laisse derrière moi mon petit côté maniaque et solitaire et que je retrouve les réflexes de la vie en communauté, pas facile !

Pourtant, ça en vaut largement la peine. Quel plaisir de revoir ceux qui m'ont tant manqué, et surtout de se rendre compte qu'on a toujours sa place auprès d'eux ! Le temps d'être mise au courant des derniers potins, et me voilà à nouveau membre à part entière de la famille ou du groupe. Moi qui me sentais tellement seule, il sont à nouveau autour de moi, moi qui ne savais plus que faire pour retrouver ma personnalité, me revoilà dans mon élément. Et puis il y a les petits plaisirs connexes: comprendre ce qu'il se dit dans la rue, regarder la télévision dans ma langue, retrouver les plats de mon enfance, serrer mon chat dans mes bras...

Et le temps de goûter pleinement à tout ça, le tourbillon est fini, l'avion m'attend, et je repars pour la petite vie un peu morne à laquelle j'ai mis tant de temps à m'habituer. Il faut à nouveau préparer ses phrases dans sa tête avant de parler à qui que ce soit, enfoncer ses écouteurs dans les oreilles pour décourager les gens de me parler dans une langue que je ne comprends pas, passer des soirées silencieuses, s'habituer à la nuit qui s'allonge, s'occuper de ses petites affaires. La chute est un peu rude. Tout le monde me dit: "tu habites en Finlande ? Tu dois avoir froid...". Pourtant, ce ne sont pas les quelques degrés en moins qui me gènent vraiment (même si, là maintenant, ce sont justement ceux qui font la différence entre "j'aurai trop chaud avec ma veste d'hiver" et "zut, j'ai oublié mes gants !"). Mais c'est vrai qu'il fait toujours un peu froid quand on est loin de chez soi.

1 comment:

  1. C'est tellement vrai tout ca... seuls les expatriés le savent. Il faut toujours une période d'adapation. Les petits séjours avec la famille ou les amis sont agréables mais le retour fait mal... avant de se rendre compte que c'est là notre place :)

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