Ceux avec qui j'ai eu des contacts ces dernières semaines sont au courant: mon petit moral a subi un gros coup de froid. Après de chouettes vacances au soleil et une belle semaine dans ma petite Belgique, le retour sur la terre Finlande n'a pas été facile... Un an ici et une activité pas franchement excitante, pas d'amis et une vie de mémère au foyer m'a menée à un constat d'échec assez douloureux. Je m'étais promis en arrivant de faire le point après douze mois et de prendre une décision à ce moment-là. Le moment est venu et la décision n'est pas encore mûre...
D'un côté, il y a le pays natal, les parents, les amis, la langue qu'on aime, le monde où l'on se sent comme un poisson dans l'eau, la possibilité de trouver relativement facilement du travail, bref, la fin de la bataille. Mais pour arriver à quoi ? A retourner vivre chez papa et maman, ce qui ne me convient plus, ou à prendre un appartement seule, alors que c'est la solitude qui me tue ici. Et puis, ça voudrait dire baisser les bras, avouer que j'ai eu tort d'espérer et qu'au fond je suis faible, casanière, incapable de faire ce que d'autres ont fait. Revenir à l'anonymat avec une image de moi-même encore plus négative qu'avant...
De l'autre, il y a la poursuite des efforts, la porte encore entrouverte pour une victoire, probablement de nouvelles surprises, la fierté peut-être un jour de regarder en arrière et de me dire "j'ai choisi la voie difficile et j'ai réussi". Et puis il y a un ours tendre que je ne pourrai jamais remplacer: avec qui m'entendrais-je aussi bien ? Qui pourrait m'offrir une cohabitation d'un an sans la moindre ombre, la moindre dispute qui ne soit provoquée par l'environnement hostile ? Avec qui d'autre pourrais-je réinventer une langue, découvrir un monde entier derrière une seule personne ?
Mais c'est dur et là, maintenant, je ne suis pas fière de moi. Je suis arrivée en me disant que la plus grande difficulté serait l'absence de ceux que j'aime, mais que pour le reste, je n'aurais qu'à attendre et découvrir. Grave erreur qui m'a entraînée dans une attitude passive et qui m'a transformé en quelqu'un que je ne reconnais plus. Seule, sans initiatives, amère et peureuse: il faut faire quelque chose. Je repousse la décision de rester ou pas car je me donne une seconde chance de gagner la guerre. Et voici mon plan d'attaque.
1. Révision des objectifs sociaux
Problème:
Ne nous leurrons pas: c'est la solitude qui aura ma peau si je la laisse prendre le dessus. Entre un boulot solitaire et un compagnon souvent en vadrouille, me voilà plus esseulée que si j'habitais au milieu du sahara. Quelle déprime, les soirées devant la télé, les week-ends à attendre avec impatience le retour de la semaine ! Mon but jusqu'à présent c'était de tenter de créer des liens au sein de clan de l'ours, car je pensais que pour m'intégrer efficacement je devais viser la population locale. Echec quasiment total. En groupe, il est inutile d'espérer une conversation en anglais, ce qui réduit ma participation à un niveau purement visuel. J'en ai fait l'amère expérience un nombre impressionnant de fois, qui se sont toujours terminées sur un grave moment de déprime dû à l'impression de n'être qu'une handicapée sociale... J'ai alors tenté les petits comités, ciblé les personnes avec qui je me sentais le plus d'affinités pour quelques activités sympas. J'ai eu peu de succès, malgré beaucoup d'enthousiasme apparent: chacun(e) a sa vie, je suis la seule à débarquer ici sans rien derrière moi.
Solution:
Changeons de cible. Il y a ici un groupe de Français sympas qui se rassemblent pour une soirée par semaine. Jusqu'à présent, j'hésitais à m'incruster dans un groupe d'étrangers, moi qui recherchais la couleur locale; mais j'ai rangé mes scrupules au placard et j'ai passé de très bonnes soirées, alors je compte continuer. La langue et les codes sociaux communs m'ont permis de retrouver une personnalité, ça m'a fait du bien. Et puis, il me semble que dans mes moments de déprime, j'ai tendance à oublier qu'il y a des gens, même loin, qui sont là pour moi. A partir de maintenant, je n'hésiterai plus à passer un petit coup de fil international, à scanner mes contacts msn ou à m'épancher dans un mail. A bas l'orgueil qui m'ordonnait de souffrir en silence.
2. Retour au bercail
Problème:
Mes repères, mes amis, les gens que j'aime me manquent. J'ai mis des années à construire avec eux des relations vraiment extraordinaires, et j'ai l'impression maintenant de sortir de leur vie parce que j'en commence une nouvelle.
Solution:
Qui a dit que Belgique et Finlande étaient sur deux planètes différentes ? Pas question d'interrompre mes retours réguliers dans le petit pays mouillé qui est le mien. Et qui plus est, puisque je n'y suis pas longtemps, j'ai bien l'intention d'en tirer le meilleur. Sur ce point-là, il semble que j'ai lancé des signaux subliminaux reçus cinq sur cinq par les personnes concernées: pour mon prochain séjour (la semaine prochaine), mes deux parents ont pris congé pour pouvoir passer du temps avec moi, mes amis ont organisé un souper, et cette chère Manon va jusqu'à reporter un de ses cours pour passer un après-midi avec moi. S'ils me lisent, j'en profite pour leur dire que ça me touche énormément, plus que je ne pourrais l'exprimer...
3. Se sentir chez soi
Problème:
C'est très bien d'investir la tannière d'un ours, mais comment se sentir chez soi dans les meubles d'un autre ? La décoration, le contenu des armoires, le nom sur la boîte aux lettres ou l'absence de courrier me rappelle sans cesse que je ne suis pas chez moi. Ca se traduit encore dans mon vocabulaire: au bout d'un an, je ne dis jamais "on rentre chez nous" mais "on rentre chez toi"...
Solution:
J'y travaille déjà: les plantes sur le balcon me doivent leur présence, une énorme peluche trône sur le canapé (merci les Vals), mais c'est peu encore. Il est temps d'accélérer le mouvement, dans la limite des ressources disponibles. Progressivement, j'essaie d'insuffler dans la tête de l'ours quelques idées de décoration qui mettraient un peu de couleur dans ce monde du blanc, comme des cadres de belles photos. Et en ce qui concerne le courrier, je vais me remettre à postcrosser, ce qui aura également l'avantage de m'obliger à pratiquer un peu de finnois au bureau de poste.
4. Prendre sa place dans la société
Problème:
C'est bien d'être ici, mais tant que je n'y aurai pas d'attaches, ce ne sont que des vacances...
Solution:
Deux maîtres-mots: boulot et finnois ! A partir d'aujourd'hui je commence officiellement à postuler sur le marché de l'emploi finlandais, même si je sais déjà que je m'engage dans un chemin plein d'épines. Et je mets les bouchées doubles pour le finnois - je viens de recommencer les cours au début et ça va déjà beaucoup mieux.
Voilà. Je ne m'attends pas à des miracles immédiats, et j'anticipe déjà d'autres moments à bas moral, mais il fallait que je me donne des objectifs, une liste à cocher, une passerelle à travers l'hiver. J'y crois encore.
D'un côté, il y a le pays natal, les parents, les amis, la langue qu'on aime, le monde où l'on se sent comme un poisson dans l'eau, la possibilité de trouver relativement facilement du travail, bref, la fin de la bataille. Mais pour arriver à quoi ? A retourner vivre chez papa et maman, ce qui ne me convient plus, ou à prendre un appartement seule, alors que c'est la solitude qui me tue ici. Et puis, ça voudrait dire baisser les bras, avouer que j'ai eu tort d'espérer et qu'au fond je suis faible, casanière, incapable de faire ce que d'autres ont fait. Revenir à l'anonymat avec une image de moi-même encore plus négative qu'avant...
De l'autre, il y a la poursuite des efforts, la porte encore entrouverte pour une victoire, probablement de nouvelles surprises, la fierté peut-être un jour de regarder en arrière et de me dire "j'ai choisi la voie difficile et j'ai réussi". Et puis il y a un ours tendre que je ne pourrai jamais remplacer: avec qui m'entendrais-je aussi bien ? Qui pourrait m'offrir une cohabitation d'un an sans la moindre ombre, la moindre dispute qui ne soit provoquée par l'environnement hostile ? Avec qui d'autre pourrais-je réinventer une langue, découvrir un monde entier derrière une seule personne ?
Mais c'est dur et là, maintenant, je ne suis pas fière de moi. Je suis arrivée en me disant que la plus grande difficulté serait l'absence de ceux que j'aime, mais que pour le reste, je n'aurais qu'à attendre et découvrir. Grave erreur qui m'a entraînée dans une attitude passive et qui m'a transformé en quelqu'un que je ne reconnais plus. Seule, sans initiatives, amère et peureuse: il faut faire quelque chose. Je repousse la décision de rester ou pas car je me donne une seconde chance de gagner la guerre. Et voici mon plan d'attaque.
1. Révision des objectifs sociaux
Problème:
Ne nous leurrons pas: c'est la solitude qui aura ma peau si je la laisse prendre le dessus. Entre un boulot solitaire et un compagnon souvent en vadrouille, me voilà plus esseulée que si j'habitais au milieu du sahara. Quelle déprime, les soirées devant la télé, les week-ends à attendre avec impatience le retour de la semaine ! Mon but jusqu'à présent c'était de tenter de créer des liens au sein de clan de l'ours, car je pensais que pour m'intégrer efficacement je devais viser la population locale. Echec quasiment total. En groupe, il est inutile d'espérer une conversation en anglais, ce qui réduit ma participation à un niveau purement visuel. J'en ai fait l'amère expérience un nombre impressionnant de fois, qui se sont toujours terminées sur un grave moment de déprime dû à l'impression de n'être qu'une handicapée sociale... J'ai alors tenté les petits comités, ciblé les personnes avec qui je me sentais le plus d'affinités pour quelques activités sympas. J'ai eu peu de succès, malgré beaucoup d'enthousiasme apparent: chacun(e) a sa vie, je suis la seule à débarquer ici sans rien derrière moi.
Solution:
Changeons de cible. Il y a ici un groupe de Français sympas qui se rassemblent pour une soirée par semaine. Jusqu'à présent, j'hésitais à m'incruster dans un groupe d'étrangers, moi qui recherchais la couleur locale; mais j'ai rangé mes scrupules au placard et j'ai passé de très bonnes soirées, alors je compte continuer. La langue et les codes sociaux communs m'ont permis de retrouver une personnalité, ça m'a fait du bien. Et puis, il me semble que dans mes moments de déprime, j'ai tendance à oublier qu'il y a des gens, même loin, qui sont là pour moi. A partir de maintenant, je n'hésiterai plus à passer un petit coup de fil international, à scanner mes contacts msn ou à m'épancher dans un mail. A bas l'orgueil qui m'ordonnait de souffrir en silence.
2. Retour au bercail
Problème:
Mes repères, mes amis, les gens que j'aime me manquent. J'ai mis des années à construire avec eux des relations vraiment extraordinaires, et j'ai l'impression maintenant de sortir de leur vie parce que j'en commence une nouvelle.
Solution:
Qui a dit que Belgique et Finlande étaient sur deux planètes différentes ? Pas question d'interrompre mes retours réguliers dans le petit pays mouillé qui est le mien. Et qui plus est, puisque je n'y suis pas longtemps, j'ai bien l'intention d'en tirer le meilleur. Sur ce point-là, il semble que j'ai lancé des signaux subliminaux reçus cinq sur cinq par les personnes concernées: pour mon prochain séjour (la semaine prochaine), mes deux parents ont pris congé pour pouvoir passer du temps avec moi, mes amis ont organisé un souper, et cette chère Manon va jusqu'à reporter un de ses cours pour passer un après-midi avec moi. S'ils me lisent, j'en profite pour leur dire que ça me touche énormément, plus que je ne pourrais l'exprimer...
3. Se sentir chez soi
Problème:
C'est très bien d'investir la tannière d'un ours, mais comment se sentir chez soi dans les meubles d'un autre ? La décoration, le contenu des armoires, le nom sur la boîte aux lettres ou l'absence de courrier me rappelle sans cesse que je ne suis pas chez moi. Ca se traduit encore dans mon vocabulaire: au bout d'un an, je ne dis jamais "on rentre chez nous" mais "on rentre chez toi"...
Solution:
J'y travaille déjà: les plantes sur le balcon me doivent leur présence, une énorme peluche trône sur le canapé (merci les Vals), mais c'est peu encore. Il est temps d'accélérer le mouvement, dans la limite des ressources disponibles. Progressivement, j'essaie d'insuffler dans la tête de l'ours quelques idées de décoration qui mettraient un peu de couleur dans ce monde du blanc, comme des cadres de belles photos. Et en ce qui concerne le courrier, je vais me remettre à postcrosser, ce qui aura également l'avantage de m'obliger à pratiquer un peu de finnois au bureau de poste.
4. Prendre sa place dans la société
Problème:
C'est bien d'être ici, mais tant que je n'y aurai pas d'attaches, ce ne sont que des vacances...
Solution:
Deux maîtres-mots: boulot et finnois ! A partir d'aujourd'hui je commence officiellement à postuler sur le marché de l'emploi finlandais, même si je sais déjà que je m'engage dans un chemin plein d'épines. Et je mets les bouchées doubles pour le finnois - je viens de recommencer les cours au début et ça va déjà beaucoup mieux.
Voilà. Je ne m'attends pas à des miracles immédiats, et j'anticipe déjà d'autres moments à bas moral, mais il fallait que je me donne des objectifs, une liste à cocher, une passerelle à travers l'hiver. J'y crois encore.
Salut! J'ai découvert ton blog et aussi ton precedent la semaine derniere et ja'ime beaucoup!
ReplyDeleteTa situation, je la connais bien et c'est pas facile... mais garde courage, les choses iront mieux!
A+
Coucou ma Belle,
ReplyDeleteJe viens de lire ton message avec beaucoup d'intérêt et d'admiration! Un mot : FELICITATIONS !!
Je comprends infiniment bien ce que tu ressents et franchement je trouve ton plan d'action excellent.
Si tu veux, envoie-moi par mail un numéro sur lequel je peux te joindre via skype et on parlera de tout ça ;o) Et s'il te reste un peu de temps dans ta semaine en Belgique, n'oublie pas que ça me ferait toujours hyper plaisir de te voir et qu'il faut encore que tu rencontres mon "ours" à moi lolll
En tous cas, te lire m'a réconforté parce que je suis aussi dans une période "locomotive" pour le moment, il m'a rappelée qu'il fallait être heureuse et fière des grandes entreprises dans lesqulles nous nous lançons, et puis il m'a aussi apporté une bonne dose de confiance et d'énergie :o)
Allez Miss, tu y arriveras !! Prends soi de toi et de ton précieux ours tendre.
A très bientôt, bisous,
Vie.
PS : oups... sorry, je ferai mieux en frappe et en orthographe quand j'aurai dormi lol Bisous ;o)
ReplyDeletehey nathalie!
ReplyDeletefunny how, on the other side of the world, there is a girl feeling almost the same thing as you... it's not always easy, not being home. :)
we also rely on our expat friends here (and their brunches!), we also send postcards and make our home as cozy as possible, and i keep learning this language, and practicing when i get the chance...
all this just to say that, well, these melancholic days happen around here too. so if you need someone to bug on msn or through email, please use me! :)
Merci à vous trois... J'ai hésité à mettre cet article parce que c'est un peu plus personnel que ce que j'ai l'habitude d'écrire, mais j'ai bien fait. Visiblement j'ai tort de penser que je suis nulle de me sentir mal par moments, il semble que ça arrive à d'autres, dans la même situation ou pas ! Me voilà reboostée pour un p'tit temps :)
ReplyDeleteSylvie, pas de soucis pour l'orthographe, je retrouve des fautes dans chacun de mes articles :-P Je t'envoie un mail.
Ana, I really admire you, you went to a country where both of you were foreigners, and where the culture gap was huge, and still you made that experience a success. Oh and Gui was right: your French is certainly excellent, although you won't admit it :)
Moi!
ReplyDeleteJ'ai découvert ton blog via celui de Joachim hier soir et je viens juste de finir de le lire en entier.
Beaucoup de choses que tu racontes me rappellent des souvenirs! Je trouve qu'en vivant ici, tout ce que l'on ressent est plus intense, que ce soit en positif ou en négatif! Mais ça vaut vraiment la peine de s'accrocher! Et à chaque pas en avant, tu te sens tellement fier!
Courage! Et c'est vraiment agréable de te lire!
amélie Jyväskylästä.