Sunday 29 May 2011

DSK et la rhétorique des médias

Lors de mon séjour en Belgique le week-end passé, j'ai pu me rendre compte à quel point l'affaire Dominique Strauss-Kahn faisait la une (et la deux, et la trois, et toutes les autres) des médias. En Finlande j'étais assez épargnée et sur le net j'ai toujours le choix de cliquer ou non sur un lien. Mais en Belgique, chaque station de radio, chaque journal télévisé glosait tant et plus sur cette affaire étrange.  Je n'ose pas imaginer ce qu'il en est en France.

Les conditions sont bien sûr réunies pour qu'on en parle tant et plus : un homme parmi les plus puissant du monde et sur le point de se lancer dans une campagne électorale importante ; un acte odieux qu'on associe mal avec un homme éduqué, civilisé, qui a tant à perdre ; un pays étranger ce qui entraîne un manque d'information et permet d'imaginer tout et n'importe quoi ; une victime à l'autre bout de l'échelle sociale, tellement cliché que ça fait roman Arlequin ; et puis aussi, un crime qui fait remonter à la surface tout qui constitue les relations entre l'homme et la femme.  Et on voit à ce propos que les clichés nauséabonds, les croyances moyennâgeuses que l'on pensait éradiquées chez l'homme civilisé n'ont pas disparu. On se disait naïvement que le viol était uniformément condamné moralement mais les propos publics de certaines personnalités bien placées nous font déchanter.

Tout ça pour arriver à un article du Monde Diplomatique qui relève ce qu'il appelle "Les informulés d'une rhétorique sexiste".  Un article qu'il faut lire pour son analyse précise qui remet un peu les choses en perspective.  Les propos les plus affreux ont été dits en public suite à cette affaire, toujours sous des dehors anodins et parfois même, peut-être, tout à fait innocemment. Ce n'est pas acceptable.  Ce n'est plus acceptable de penser, à l'heure actuelle, qu'une domestique qui porte plainte pour viol contre un homme puissant cherche nécessairement à se faire de l'argent ; qu'une femme agressée il y a plusieurs années et qui n'a pas eu le courage de porter plainte à l'époque est une opportuniste si elle le fait aujourd'hui ; qu'un homme connu pour être insistant envers les femmes qui lui disaient non ne fait rien de répréhensible ; que l'arrêstation d'un homme suspecté de viol est une manifestation du puritanisme anglo-saxon ; qu'un homme puissant et haut placé ne doit pas être traité comme un vulgaire criminel parce qu'il a plus à perdre qu'un autre.  

Le nombre de propos sexistes ou indignes d'une pensée civilisée qui ont été affirmés publiquement dans le cadre de cette affaire est absolument ahurissant.  Je pense que c'est pour ça que ce procès doit rester dans les annales ; pas pour le viol qui, s'il est avéré, n'est malheureusement qu'un crime grave parmi des milliers qui arrivent chaque jour ; pas pour la chute spectaculaire d'un homme qui, s'il est coupable, aura lui-même saboté sa carrière ; mais pour avoir révélé au grand jours les démons odieux des préjugés sexistes qui dorment encore dans la plupart d'entre nous, et pas uniquement les hommes.

4 comments:

  1. Ce n'est pas juste une question de sexisme. Ou plus exactement, il y a une autre cause derrière, qui est l'argent et le pouvoir. Ceux qui s'insurgent contre l'arrestation de DSK sont des gens du même milieu, des gros riches, des hommes d'influence ou bien en vue comme des politiciens et des journalistes. Tout ce petit monde là se tient les coudes parce qu'il se croit au dessus des lois et surtout du peuple, de la plèbe, dont cette femme de chambre fait partie.

    Tu parles de Moyen Âge et tu n'as pas tort, mais il n'y a pas besoin d'aller aussi loin; va deux trois siècles en arrière, quand l'aristocratie se portait encore comme un charme, et tu trouveras un parallèle de choix. On a coupé la tête aux rois, aboli leur privilège, mais ca n'empêche pas ce pour quoi nos ancêtres se sont battus de reparaître sous une autre forme pour venir souiller, des siècles plus tard, les valeurs de la République. Ces gens sont méprisables et qu'ils aient en main le pouvoir, qu'il soit politique, économique ou médiatique, explique peut-être pourquoi tant de choses vont mal en France et ailleurs.

    (Ceux qui vouent un espèce de culte de la personnalité à DSK m'écoeurent tout particulièrement. Et son rôle au FMI, il y en aurait des choses à dire là-dessus, tiens...)

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  2. Malheureusement, j'ai lu et entendu ce même genre de commentaires de la part de journalistes ou de gens un peu partout. Pas les pires (le "troussage de domestique", ça c'était le bouquet) mais des critiques de Mlle Banon pour ne pas avoir porté plainte à l'époque et pour penser à le faire maintenant, l'idée générale que la domestique ne peut être que vénale ou que la justice américaine "s'acharne" sur DSK. C'est plutôt les médias qui "s'acharnent", lui est traité comme n'importe quel justiciable, c'est normal.

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  3. Merci d'évoquer ce sujet, sur lequel je suis entièrement d'accord avec toi. Un homme politique très en vue en France a même été jusqu'à dire que si c'était vrai (le viol), il n'y avait pas mort d'homme.... Personne pour s'insurger... Et qui parle de la victime? De sa famille? De sa fille? Il est bien plus interessant et vendeur de parler de Mme Sinclair... Toute cette histoire m'écoeure et je suis contente que m'aies donné l'occasion de m'épancher!!
    Laure
    PS Sur un mode plus gaie, comment va ton chat?

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  4. Mon chat va bien, elle sort d'un mauvais rhume mais est presque tout à fait remise maintenant, merci :)

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