Thursday 15 September 2011

Pendant ce temps, en Belgique...

... il n'y a toujours pas de gouvernement. Ça fait déjà 459 jours, le record du monde a été battu il y a bien longtemps, et on commence à se dire que leur petite blague, là, elle est de moins en moins comique.  Heureusement, on dirait qu'ils sont maintenant sur le bon chemin.

On a eu peur, quand même.  Il y a eu une belle période d'espoir, quand la N-VA, la Nouvelle Alliance Flamande, a été expulsée de la table des négociations (où personne ne s'était encore assis, notez bien) parce que son partenaire légèrement moins borné, le CD&V, a accepté d'aller au feu sans elle.  Mais la condition était de commencer les négociations par le problème épineux de la scission (ou pas) de l'arrondissement Bruxelles-Halles-Vilvorde, le fameux BHV qui est l'aiguille dans la chair de tout le monde.  Et là, après plusieurs jours de négociations acharnées, mardi encore, on n'arrivait à rien.  Même pas à rassembler les négociateurs flamands et wallons dans la même pièce.  C'est pour dire.  Et derrière BHV, il restait encore des histoires de sous et d'autres problèmes sympathiques à résoudre.  Bref, je me disais qu'on n'était pas sorti du trou.

Évidemment, on commençait à se demander si on a vraiment besoin d'un gouvernement.  Finalement, nos ministres démissionnaires tiennent la maison depuis plus d'un an, et la Belgique s'en sort bien au milieu d'une crise économique qui menace l'euro.  On pourrait se dire que, sans la pression d'une réélection nécessaire et avec les feux de l'actualité braqués ailleurs, les ministres en tous genres font mieux leur boulot. Mais ce serait un peu simpliste.

D'abord, ça ne peut pas durer : l'ex-mais-toujours-premier ministre a déjà annoncé qu'il avait trouvé un nouveau job (à l'OCDE) et qu'il était impatient de partir.  Ensuite, si la Belgique a de beaux restes économiques, il va quand même falloir se bouger un peu pour éviter que les marchés financiers, ces requins affamés, sentent la faiblesse.  Et puis, en coulisses, tout ne va pas si bien que ça.

A témoins, les 300 platanes de l'Avenue du Port, à Bruxelles, victimes collatérales d'un problème qui nous dépasse tous.  Tellement symboliques que même le journal Le Monde leur a consacré un article que je vous conseille.  En gros, la ministre des travaux publics Brigitte Grouwels a prévu, contre l'avis des riverains, le réaménagement d'une rue bordée de platanes centenaires qui devront être coupés.  Et ce, pour le bénéfice d'un centre logistique qui ne sera finalement pas créé.  Un projet coûteux pour une région déjà en déficit, dont tout le monde est d'accord de dire qu'il est inutile et qu'il peut être facilement remplacé par un autre aménagement moins cher, mais un projet qu'il semble impossible d'annuler, pour deux raisons : d'une part, le fait que la ministre a déjà (et sans consulter personne) signé un contrat avec les entrepreneurs (d'où dédommagements nécessaires en cas d'annulation), et d'autre part, le fait que la-dite ministre est intouchable :
(...) le fin mot de toute cette affaire : à la sortie d'une récente réunion du conseil des ministres régionaux, les représentants des différents partis ont dû expliquer, penauds et mal à l'aise, pourquoi ils ne désavouaient pas leur collègue Brigitte Grouwels. Parce qu'elle est membre du CD & V, et que ce parti détient sans doute la clé d'une éventuelle solution fédérale, près de 500 jours après les élections et des négociations toujours infructueuses.
Et voilà.  En temps normal, déjà, la démocratie a des ratés ; mais quand on se retrouve dans une situation ou les élus n'ont plus à répondre de rien parce qu'on ne trouve personne pour les remplacer, voilà ce que ça donne.  C'est triste pour ces beaux arbres, mais ça pourrait devenir bien, bien, bien pire.  

L'Avenue du Port et ses platanes

Heureusement, je l'ignorais, mais nous avons un négociateur machiavélique.  Elio Di Rupo, président des socialistes francophones et l'homme de la dernière chance, a su manipuler les esprits aussi vite que les "notes" qui se succédaient dans les mains des négociateurs.  Mardi, avec son accord, notre ex-mais-toujours premier ministre Yves Leterme annonçait sa "fuite" loin de la politique belge dans les prochaines semaines. La veille, un sondage flamand annonçait que 40% des Flamands soutiendraient la N-VA en cas d'élections prochaines, au détriment du CD&V qui allait encore être affaibli par le départ de Leterme.  Mardi toujours, Di Rupo annonçait avait fracas l'enlisement des négociations ; un petit communiqué très amer qui prévoit sans avoir l'air d'y croire une dernière réunion de la toute dernière chance mercredi, et l'annonce qu'il demande au Roi d'écourter ses vacances pour revenir au chevet du pays : ça suffit pour que la panique s'installe.  Et là, le CD&V se dit "il va falloir faire un petit effort si on ne veut pas provoquer des élections et se ramasser la raclée du siècle"... 

Il n'en fallait pas plus : le même soir, BHV était scindé sur papier.  Presque tout le monde est content, les journaux du sud et du nord du pays parlent unanimement d'un "accord historique" et saluent les manoeuvres de notre Di Machiavelo national, et maintenant qu'ils n'ont plus à se crêper le chignon sur des bêtises, nos négociateurs vont pouvoir enfin se concentrer sur l'essentiel. 

Elle est pas belle, la vie ?

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