Hier, en me balladant dans les magasins en fin de journée, je me suis rendue compte que la fête des pères tombait cette semaine. Ca m'a un peu surprise, étant donné qu'en Belgique, on fête les papas en juin. Mais surtout, ça a fait remonter à la surface de ma mémoire des souvenirs de la fête des pères de l'année passée...
Il y a un an, je n'étais en Finlande que depuis un gros mois. Je n'avais pas encore eu l'occasion d'y revoir Papa et Maman Ours. Je les avais rencontrés déjà plusieurs fois auparavant, lors de mes visites pendant les vacances, mais entretemps certaines choses avaient changé: d'abord, ils s'étaient séparés (rassurez-vous, la famille Ours s'est déjà recomposée depuis lors). Ensuite, j'étais là en tant que petite amie officielle et "sérieuse" de Mr Ours, j'avais déménagé, je partageais la tannière, je n'étais plus la petite étrangère de passage. Pour moi en tous cas ça faisait une différence.
Alors quand Mr Ours m'a annoncé que sa maman nous invitait à fêter la fête des pères chez elle, j'ai un peu paniqué. Comment plaire à ceux qui devenaient la "belle-famille" ? Comment allait se passer la première rencontre avec la "belle-soeur", récemment revenue d'Australie ? Comment se comporter vis-à-vis de Papa et Maman Ours, récemment séparés après 30 ans de vie commune ? Je stressais comme rarement, et j'en ai parlé à Mr Ours. Ca l'a fait rire: je pense qu'il n'a pas bien compris ce qui pouvait me passer par la tête. Il m'a promis dans un sourire, et après que je l'en aie supplié, de veiller sur moi.
Et nous sommes allés chez la maman, pour la petite réunion de famille. Nous n'avions pas de cadeau: apparemment, ici, on ne fait pas nécessairement de cadeau à la fête des pères. Nous étions en retard: mais ni la soeur, ni le père n'étaient encore arrivés. Mr Ours s'est enfoncé dans un fauteuil et s'est plongé dans un magazine. Maman Ours s'affairait à préparer le café et les petits fours. Moi, après un temps d'hésitation, je me suis trouvée une chaise et j'ai attendu qu'il se passe quelque chose. Je serrais les jambes, je préparais des petites phrases polies à dire, j'essayais de rassembler - en vain - quelques mots de finnois lus dans la méthode Assimil.
Au bout d'une demi-heure, Melle Ours - soeur de Mr Ours - est arrivée. Je l'ai regardée avec attention, je ne l'avais jamais rencontrée. Elle ne m'a pas accordé un regard, encore moins un mot. A trois dans le fauteuil, Maman Ours et ses petits ont commencé à discuter dans leur langue. J'étais sur le côté, sur ma chaise, et je ne comprenais rien, je n'avais rien à faire, et personne ne semblait remarquer que j'étais là. La seule à m'adresser brièvement la parole fut la seule des trois qui ne parlait que quelques rares mots d'anglais, et c'était pour m'offrir un café. J'attendais que Papa Ours arrive, et il ne venait pas. Au bout d'une heure j'ai arrêté de sourire, au bout de deux j'ai arrêté d'écouter ce qui ressemblait à du chinois pour moi, et au bout de trois j'avais l'impression d'être là depuis un milliard d'années.
Puis Mr Ours s'est levé et a pris sa veste. J'ai cru comprendre qu'on partait, alors j'ai pris la mienne. Une fois dans la voiture, il a osé me dire "tu vois, tu n'avais pas raison de stresser comme ça". J'ai serré les poings très forts pour ne pas le frapper. Arrivés à l'appart, je me suis enfermée dans la chambre où j'ai pleuré toute la soirée. J'ai refusé de parler à Mr Ours pendant trois jours: je ne boudais pas, mais au début je ne voulais pas laisser sortir toutes les injures qui me passaient par la tête, et ensuite, une fois calmée, je ne savais pas quoi lui dire puisque pour lui tout s'était bien passé.
Mais moi, je n'ai jamais été aussi humiliée de ma vie. C'était la première fois que je vivais cette expérience: être là, mais ignorée de tous - et ils n'étaient que trois, dont l'un était sensé être mon petit ami, celui pour lequel je m'étais foutue dans cette situation. Par la suite, j'ai essayer de m'habituer à mon rôle de plante verte, et j'ai limité les visites familiales. Mais ce jour-là, je ne pensais pas que ce comportement qui me paraissait être le comble du "niage" pouvait être normal pour certaines personnes. Je ne savais pas si c'était moi qui étais en faute, s'ils avaient quelque chose à me reprocher, ou si simplement ils ne m'aimaient pas et me disaient implicitement de repartir d'où je venais. Ce que j'avais très envie de faire.
J'ai vécu d'autres moments un peu semblables, depuis ce jour-là, et ça m'a toujours détruit le moral et donné envie de repartir. J'ai heureusement rencontré aussi quelques personnes qui m'ont donné l'espoir que je pourrais être chez moi ici. Si je faisais attention, si je me battais, et si je ne me mettais plus dans le pot de la plante verte, qui n'est pas ma place.
Donc hier, je me suis rendue compte que la fête des pères approchait à nouveau: c'est ce week-end. J'ai aussi appris fortuitement que j'étais invitée à nouveau à fêter ça chez Papa et Maman Ours. Mr Ours tient à ce que je vienne: il n'a toujours rien compris. Et moi, je me casse la tête pour trouver une excuse, tout en me demandant si je ne devrais pas faire un nouvel effort pour ne pas le décevoir...
Il y a un an, je n'étais en Finlande que depuis un gros mois. Je n'avais pas encore eu l'occasion d'y revoir Papa et Maman Ours. Je les avais rencontrés déjà plusieurs fois auparavant, lors de mes visites pendant les vacances, mais entretemps certaines choses avaient changé: d'abord, ils s'étaient séparés (rassurez-vous, la famille Ours s'est déjà recomposée depuis lors). Ensuite, j'étais là en tant que petite amie officielle et "sérieuse" de Mr Ours, j'avais déménagé, je partageais la tannière, je n'étais plus la petite étrangère de passage. Pour moi en tous cas ça faisait une différence.
Alors quand Mr Ours m'a annoncé que sa maman nous invitait à fêter la fête des pères chez elle, j'ai un peu paniqué. Comment plaire à ceux qui devenaient la "belle-famille" ? Comment allait se passer la première rencontre avec la "belle-soeur", récemment revenue d'Australie ? Comment se comporter vis-à-vis de Papa et Maman Ours, récemment séparés après 30 ans de vie commune ? Je stressais comme rarement, et j'en ai parlé à Mr Ours. Ca l'a fait rire: je pense qu'il n'a pas bien compris ce qui pouvait me passer par la tête. Il m'a promis dans un sourire, et après que je l'en aie supplié, de veiller sur moi.
Et nous sommes allés chez la maman, pour la petite réunion de famille. Nous n'avions pas de cadeau: apparemment, ici, on ne fait pas nécessairement de cadeau à la fête des pères. Nous étions en retard: mais ni la soeur, ni le père n'étaient encore arrivés. Mr Ours s'est enfoncé dans un fauteuil et s'est plongé dans un magazine. Maman Ours s'affairait à préparer le café et les petits fours. Moi, après un temps d'hésitation, je me suis trouvée une chaise et j'ai attendu qu'il se passe quelque chose. Je serrais les jambes, je préparais des petites phrases polies à dire, j'essayais de rassembler - en vain - quelques mots de finnois lus dans la méthode Assimil.
Au bout d'une demi-heure, Melle Ours - soeur de Mr Ours - est arrivée. Je l'ai regardée avec attention, je ne l'avais jamais rencontrée. Elle ne m'a pas accordé un regard, encore moins un mot. A trois dans le fauteuil, Maman Ours et ses petits ont commencé à discuter dans leur langue. J'étais sur le côté, sur ma chaise, et je ne comprenais rien, je n'avais rien à faire, et personne ne semblait remarquer que j'étais là. La seule à m'adresser brièvement la parole fut la seule des trois qui ne parlait que quelques rares mots d'anglais, et c'était pour m'offrir un café. J'attendais que Papa Ours arrive, et il ne venait pas. Au bout d'une heure j'ai arrêté de sourire, au bout de deux j'ai arrêté d'écouter ce qui ressemblait à du chinois pour moi, et au bout de trois j'avais l'impression d'être là depuis un milliard d'années.
Puis Mr Ours s'est levé et a pris sa veste. J'ai cru comprendre qu'on partait, alors j'ai pris la mienne. Une fois dans la voiture, il a osé me dire "tu vois, tu n'avais pas raison de stresser comme ça". J'ai serré les poings très forts pour ne pas le frapper. Arrivés à l'appart, je me suis enfermée dans la chambre où j'ai pleuré toute la soirée. J'ai refusé de parler à Mr Ours pendant trois jours: je ne boudais pas, mais au début je ne voulais pas laisser sortir toutes les injures qui me passaient par la tête, et ensuite, une fois calmée, je ne savais pas quoi lui dire puisque pour lui tout s'était bien passé.
Mais moi, je n'ai jamais été aussi humiliée de ma vie. C'était la première fois que je vivais cette expérience: être là, mais ignorée de tous - et ils n'étaient que trois, dont l'un était sensé être mon petit ami, celui pour lequel je m'étais foutue dans cette situation. Par la suite, j'ai essayer de m'habituer à mon rôle de plante verte, et j'ai limité les visites familiales. Mais ce jour-là, je ne pensais pas que ce comportement qui me paraissait être le comble du "niage" pouvait être normal pour certaines personnes. Je ne savais pas si c'était moi qui étais en faute, s'ils avaient quelque chose à me reprocher, ou si simplement ils ne m'aimaient pas et me disaient implicitement de repartir d'où je venais. Ce que j'avais très envie de faire.
J'ai vécu d'autres moments un peu semblables, depuis ce jour-là, et ça m'a toujours détruit le moral et donné envie de repartir. J'ai heureusement rencontré aussi quelques personnes qui m'ont donné l'espoir que je pourrais être chez moi ici. Si je faisais attention, si je me battais, et si je ne me mettais plus dans le pot de la plante verte, qui n'est pas ma place.
Donc hier, je me suis rendue compte que la fête des pères approchait à nouveau: c'est ce week-end. J'ai aussi appris fortuitement que j'étais invitée à nouveau à fêter ça chez Papa et Maman Ours. Mr Ours tient à ce que je vienne: il n'a toujours rien compris. Et moi, je me casse la tête pour trouver une excuse, tout en me demandant si je ne devrais pas faire un nouvel effort pour ne pas le décevoir...
C'est incroyable comme il se passe la même chose pour tous les étrangers rapportés ici. Ils sont effrayés ou gênés de nous adresser la parole alors que dans notre culture on est gênés de ne pas se parler, il y a toujours quelqu'un pour lancer une conversation ou pour dire au silencieux "Beh alors, tu ne parles pas??". Le langage et la communication en Finlande mettent sans aucun doute le pays en marge des pays occidentaux, ils sont indépendants, asociaux, xénophobes. En fait, c'est tout aussi difficile pour eux de se trouver entourés d'étrangers que pour nous de finnois. Il m'arrive aussi souvent d'etre de tres mauvaise humeur quand on part de chez ses parents (quand il y a plus que ses parents et qu'on y reste une ou deux nuits) car j'ai ete ignoré. Je me dis alors que je n'y retournerais plus mais le fois d'apres je veux réessayer pour voir si je suis capable de m'integrer et parler et voir si eux vont m'adresser la parole... c'est un brin mieux a chq fois mais trop lent comme evolution selon moi. Le weekend dernier, je ne suis pas allé à l'anniversaire de la niece de ma copine où étaient une 12aine de personnes car j'étais malade... j'étais tellement content de ne pas y aller. J'ai alors décidé que je n'irais pas à chaque fois, par ex une fois sur 3, comme ca je suis content de les voir et de parler, ils peuvent etre eux-memes quand je suis pas là et je me sens mieux seul qu'humilié. Je me souviens que mon pere ne venait pas souvent chez ses beaux-parents et ca se passait tres bien. Et on va instaurer la meme chose pour nos visites dans ma famille, elle ne viendra pas a chaque fois...
ReplyDeleteOn n'est jamais seuls dans sa situation :) Courage à nous!
Courage a tous!!De toute façon, les finlandais ne sont pas célèbres pour la socialisation!!
ReplyDeletePS j'ai cuisiné le koorvapustit, ils sont vraiment délicieux!
Monica
Coucou,
ReplyDeleteEt quand on "rue dans le tas" en faisant des sourires, débarassant la table, accompagnant la maîtresse de maison à la cuisine, etc..., il se passe quoi ??
Même si on ne peut pas parler, moi face à un bloc de glace, je ne pourrais pas m'empêcher d'essayer de le faire fondre à force de sourires et de démonstrations d'affection et d'intérêt. S'ils sont tellement stressés, coincés, par le fait d'avoir un étranger dans leur maison, peut-être que c'est en leur montrant qu'on "ne mord pas" qu'on arriverait à renverser les barrières ?... Et si ça provoque des tsunamis, c'est peut-être pour un mieux après ;o)
Je vous souhaite beaucoup de courage, de patience et de chance !!
Vie...
Jockbatt: merci, encore une fois c'est agréable de constater que je ne suis pas seule dans cette situation, donc ce n'est pas moi qui suis responsable... Et de fait, je tente moi aussi de limiter les occasions de se voir, histoire que ça reste gérable émotionnellement. En plus, c'est plus facile quand on ne s'est pas vus depuis un petit temps: je ne peux pas vraiment leur donner les dernières nouvelles mais au moins, je peux étaler mes progrès en finnois ! Mais là, le problème c'est que j'ai déjà passé tout le week-end passé au mökki avec eux, d'où le problème.
ReplyDeleteMonica: je suis sûre qu'en Italie je n'aurais aucun problème de ce genre ! :-)
Vie: c'était mon plan au départ, mais ce n'est pas vraiment possible. D'abord, sans pouvoir communiquer du tout, difficile de prendre des initiatives ! J'ai essayé de débarrasser la table, par exemple, mais la maman repassait juste après moi parce que j'avais déposé la vaisselle au mauvais endroit... J'ai aussi essayé d'accompagner à la cuisine un jour où on n'était que la mère et moi pour une heure ou deux et où elle nous cuisinait un souper: pas moyen d'aider, je ne savais pas quoi faire, je ne pouvais pas ouvrir toutes les armoires pour trouver comment mettre la table, je ne savais même pas ce qu'elle cuisinait, elle ne me regardait ni ne me parlait, et quand j'ai essayé de faire la conversation elle ne me comprenait pas et était visiblement mal à l'aise. Imagine l'ambiance pesante... Je ne pense pas qu'ils aient vraiment peur, mais comme dit Joachim, ils sont gênés de m'adresser la parole et sont très à l'aise dans le silence, contrairement à moi. Mais ça vient petit à petit, et quand je parlerai leur langue, je pourrai aussi mieux faire valoir ma personnalité.