Monday, 2 November 2009

[Mes lectures] Papa-Longues-Jambes, de Jean Webster.

Personne ne pourra me dire que je ne varie pas mes styles de lecture. Après un passage par la bit-lit, je fais un détour vers le roman épistolaire classé "jeunesse". J'avais croisé Papa-Longues-Jambes il y a de longues années, à l'époque où je recevais encore des Folios Junior pour mon anniversaire, et il m'avait laissé un souvenir lointain mais agréable. Je l'ai maintenant relu en anglais, de façon à pouvoir opérer une double comparaison: langue originale vs. traduction et lecture d'adolescente vs. lecture d'adulte.


Résumé:

Judy Abbott a passé les 17 ans de sa vie dans un orphelinat, et il est maintenant temps de lui trouver une situation. Après avoir lu une de ses dissertations, un généreux bienfaiteur qui souhaite rester anonyme lui propose un marché: il lui offre quatre ans d'études à l'université pour qu'elle devienne écrivain, en échange de quoi elle doit lui écrire chaque mois une lettre décrivant sa nouvelle vie. Judy se confie donc à cet homme dont elle ne connaît que la silhouette allongée entrevue à l'orphelinat, et qu'elle surnomme affectueusement Papa-Longues-Jambes. Au travers de ses lettres, on découvre la vie d'une jeune étudiante joyeuse, spontanée et en quête d'affection.


Mon avis:

Si les lettres de Judy sont datées en jour et en mois pour donner une idée de la chronologie, l'année n'est pas précisée. Mais ce roman ayant été publié en 1912, ça laisse deviner l'époque qu'il décrit.

Miss Jerusha Abbott est donc une gentille orpheline élevée dans un home. Ce n'est pas le Lowood de Jane Eyre, elle semble y avoir été bien traitée, mais malgré tout on lui a fait comprendre qu'elle est élevée par charité: elle hérite des vêtements offerts aux pauvres, elle est destinée à devenir bonne-à-tout-faire ou quelque chose comme ça, et si elle n'a pas déjà quitté l'école à 14 ans, c'est uniquement parce qu'elle est une élève brillante et qu'elle travaille à l'orphelinat pour payer son entretien. Dans le monde du début du siècle, on n'est rien si l'on n'a pas une famille respectable. Alors bien entendu, l'offre du généreux bienfaiteur est une véritable aubaine: la voilà envoyée au collège où l'on éduque les jeunes filles de bonne famille pour qu'elles se rendent utiles avant de se marier. C'est un peu un autre monde dans lequel elle arrive...

Là où l'histoire devient originale, c'est d'abord la condition du bienfaiteur: il ne veut pas avoir à faire le moindre effort pour elle à part lui payer ses études, mais il lui demande de lui écrire des lettres auxquelles il ne répondra pas. Et puis, deuxième surprise: le caractère et la façon d'écrire de Judy. N'importe qui d'autre, à son époque et dans sa situation, aurait produit des missives respectueuses, organisées, limitées aux cours et aux remerciements pour cette énorme faveur qu'elle reçoit. Mais Judy considère d'emblée ce monsieur inconnu comme un ami, pire, comme sa famille toute entière, et elle se confie. Elle écrit très spontanément, elle décrit sa vie avec beaucoup d'humour et de chaleur, et on ne peut s'empêcher de l'aimer dès la première lettre: elle est tout simplement adorable.

L'adolescente que j'étais à la première lecture avait beaucoup aimé Judy, la parfaite grande soeur. J'avais aussi aimé me plonger dans la vie du début du siècle, dans cet internat pour jeunes filles, les bals, les activités sociales et la vie de tous les jours, différente et à la fois semblable à la mienne. Et puis le mystère de Papa-Longues-Jambes et la petite histoire d'amour avaient ajouté une légère touche romantique qui m'avait bien plu.

L'adulte que je suis a aimé le livre un peu différement. J'ai à nouveau été séduite par Judy, cette fois-ci comme une petite soeur trop mignonne, touchante dans sa timidité, ses découvertes, sa naïveté et son enthousiasme. Mais pour des lecteurs pas trop naïfs, le petit mystère est très vite éclairci. Et puis cette fois-ci, son monde me paraît réellement différent du mien: la hiérarchie sociale terriblement pressante transparaît au travers des paroles de Judy, qui n'ignore pas qu'elle n'a aucun droit sans parents ou sans argent, quelles que soient ses qualités personnelles. Et tout à coup, elle est plongée dans le monde des enfants heureux, et elle y est obligée de mentir sur ses origines pour faire bonne impression. De plus, j'ai cette fois-ci ressenti l'arrière-goût légèrement amer de cette histoire: le besoin d'affection si pressant de ces enfants sans famille. En plus d'un journal amusant et d'une petite histoire d'amour, mes yeux d'adultes y ont lu un côté touchant et attendrissant que je n'avais pas repéré à la première lecture. Une raison en plus pour aimer ce livre.

Bref, une lecture facile, courte, très mignonne et touchante; un roman aussi rafraîchissant que son héroïne. En ce qui concerne la langue, je suppose que la traduction a bien reflété le style de l'original parce que j'ai vraiment eu l'impression de retrouver un vieil ami. Je vous le conseille, aux jeunes comme aux vieux !

NB: Pour info, je viens d'apprendre qu'il y a une suite, "Dear Enemy", qui raconte les aventures de l'amie de Judy, Sally, en directrice d'orphelinat. J'ignore le titre en français, mais si vous lisez l'anglais, Dear Enemy est disponible en ligne, notamment sur le site du Projet Gutenberg.

4 comments:

  1. Ce qu'il y a de bien avec tes billets lecture, c'est qu'on ne sait jamais à quoi s'attendre, tu varies tellement les plaisir. Je pourrais facilement me laisser tenter par ce livre. D'ailleurs, je l'ai ajouté à ma liste des envies. Juste au cas ou. ;) Merci pour le tuyau.

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  2. Attention quand même, Fée: c'est un roman épistolaire, je pensais que tu n'aimais pas ce genre ?

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  3. Ben, en fait, ça dépend lesquels. J'ai beaucoup aimé le 84 Charing Cross Road et j'ai plutôt apprécié le Lady Susan de Jane Austen. En revanche, je préfère oublier les éplucheurs de patates.

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  4. Quel plaisir de relire qqch au sujet de ce roman qui m'avait beaucoup plu lorsque j'étais adolescente. Cela me donne envie de le relire, merci! Je vais essayer la version anglaise.

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