Friday 28 November 2014

Mariage pour tous mais pas partout de la même façon...

Vivre dans un autre pays que celui d'où on vient, c'est aussi avoir l'avantage de pouvoir envisager certaines choses avec un regard un peu plus "international" que le citoyen moyen. Une question de société particulière récente se prête particulièrement bien à un petit exercice de sociologie politique comparée : la question du "mariage pour tous", ou l'extension du mariage aux couples homosexuels. 

La Belgique fut le deuxième pays du monde à accorder le droit de se marier aux personnes du même sexe, en 2003, sur la base d'un consensus à la fois de la population et de la classe politique, à l'exception du Conseil d'Etat ; l'ouverture du droit de filiation (et d'adoption) a suivi en 2006. A l'époque, tout est passé comme une lettre à la poste, dans un climat qui tournait plutôt à la fierté nationale qu'à l'émeute. Depuis lors ce droit n'a jamais été remis en question.

En France, le projet de loi sur le "mariage pour tous" est passé en 2013, après des mois et des mois de débat violent, d'émeutes, de manifestations, contre-manifestations et contestations massives, organisées par les organisations religieuses et politiques de droite. Mes petits yeux belges ont eu du mal à vraiment saisir les raisons pour toutes ces violences verbales et physiques, cet acharnement qui avait l'air de se baser plus sur le principe "seul les hétérosexuels doivent avoir le droit de se marier" que sur toute autre justification plus compréhensible à mes yeux, comme le bien-être des enfants du couple. Un an après, je suis encore plus étonnée de la façon dont la paix est revenue aussi brutalement que la lutte s'était amorcée. 

Et en Finlande... c'est encore plus surprenant : dernier pays nordique à ne pas encore accorder le mariage aux couples de même sexe, une discussion sérieuse sur le sujet a été lancée dès 2010 et une proposition de loi dans ce sens a été présentée au parlement en 2012. Elle fut refusée, de justesse, par le comité des affaires légales. Qu'à cela ne tienne, car depuis 2012 les citoyens finlandais ont la possibilité de proposer une modification législative sous forme d'initiative citoyenne qui, si elle recueille 50 000 signatures, est automatiquement examinée par le Parlement. L'initiative lancée en 2013 a obtenu en un seul jour 90 000 signatures, 166 000 au total, tandis que les sondages constataient une large majorité des citoyens en faveur du mariage homosexuel.  La proposition de loi fut donc renvoyée devant le comité des affaires légales, qui à nouveau la refusa en juin, ce qui eut pour effet de la reporter devant la session plénière du parlement cet automne, qui a dû examiner cette semaine s'il suivait l'avis négatif de la commission des affaires légales et rejetait définitivement le projet de loi... 

Les débats ont donc été assez surprenants : une majorité de citoyens pour, qui ont fait fleurir un peu partout les mots "tahdon 2013" ("je le veux", le "oui" traditionnel du mariage en finnois), mais des parlementaires plutôt contre le mariage homosexuel ; une église luthérienne qui s'est prononcée de façon répétée en faveur du mariage homosexuel (oui oui !) face à un parti chrétien-démocrate férocement contre ; et au final un tel mic-mac au sein même de chaque parti que les parlementaires ont reçu, pour une fois, une entière liberté pour voter en fonction de leur conscience. J'ai même eu la surprise d'assister à des débats sur le sujet entre Finlandais qui normalement ne parlent jamais de politique ! Le débat est pourtant, autant que je puisse en juger, resté courtois et raisonnable, centré en grande partie sur le droit à l'adoption. Il a même eu droit à une petite touche d'humour quand un parlementaire ouvertement homosexuel a demandé au président du parti d'extrême droite, ouvertement opposé au mariage pour tous, s'il aurait le droit de l'embrasser après le vote...

Résultat : beaucoup de suspense et, cet après-midi, un vote relativement serré de 105 voix contre 92 (et un absent) en faveur de la poursuite du projet de loi. Je ne suis pas tout à fait certaine que la loi est déjà adoptée définitivement, mais c'est en tous cas un grand pas en avant. C'est aussi un grand pas en avant pour la démocratie, puisque depuis 2012 c'est la première initiative citoyenne à aboutir. Et encore une preuve que la démocratie s'exprime de façon très différente en fonction des pays....




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