Monday, 27 December 2010

Neige : étude comparative des niveaux de bordel et des responsabilités

Comme chaque année, je suis rentrée en Belgique pour la période de Noël. J'ai quitté Helsinki recouverte d'une couche de neige cumulée de 75 cms, un record datant de 1915, et une température de -21° en journée. Je suis arrivée en Belgique recouverte sous la neige, une épaisseur cumulée d'une quarantaine de cms, déjà 54 jours de neige en 2010 ce qui bat le record de 1906, et des températures tout juste négatives qui permettent à la neige de fondre en journée et de se transformer en glace pendant la nuit. Du coup, j'en profite pour opérer une petite étude comparative toute personnelle du bordel résultant de ce genre de situations dont tout le monde se plaint.

Depuis que je suis en Belgique, je n'entends que des commentaires très critiques : "comment se fait-il que les routes ne soient pas nettoyées", "ici on n'a que quelques centimètres de neige et on est déjà coincés"... et le constat final : "en Finlande ils doivent bien rire à nous voir patauger comme des imbéciles, ils se débrouillent beaucoup mieux là-bas !".

Alors analysons honnêtement : c'est vrai que les Finlandais se débrouillent un peu mieux. Chaque année ils ont plusieurs semaines de neige, ils ont l'expérience et le matériel. Ils maîtrisent le nettoyage efficace des routes, n'utilisent pas de sel mais du poussier (de tous petits graviers qui s'incrustent dans la glace et empêchent de glisser), chaque bâtiment ou chaque famille a sa pelle à neige, les pneus hiver sont obligatoires et les chaînes très répandues. Mais ils ont aussi beaucoup d'avantages : leur hiver est tellement froid que la neige ne fond pas pour se transformer en verglas la nuit suivante, les pluies verglaçantes ils ne connaissent pas, et, gros avantage, ils n'ont que très peu de côtes et le terrain est plat presque partout. Et puis comme ils s'attendent à de la neige tout l'hiver, ils savent qu'ils doivent déblayer au fur et à mesure, tandis qu'ici on s'attend à ce que ça fonde tout de suite et ça fait trois semaines que ça s'empile.

Et pourtant, tout ne va pas si bien que ça en Finlande. A Helsinki, il est tombé en une nuit une vingtaine de centimètres début décembre, une chute prématurée qui a pris les autorités par surprise. Résultat : les trains circulaient très mal, les voitures encore pire, les bus abandonnaient leurs passagers en cours de route car ils ne savaient plus sortir de leurs arrêts, les piétons s'enfonçaient jusqu'à mi-genoux sur les trottoirs. Trouver une place de parking en ville est devenu un vrai parcours du combattant, à moins d'avoir une pelle dans le coffre et d'être prêt à la sortir pour se dégager un espace. Les routes non dégagées sont malgré tout empruntées par les voitures, les pneus tassent la neige de façon irrégulière, elle se transforme en glace version parcours à bosse et toute la rue ressemble à un tracé pour 4x4 jusqu'à la fin de l'hiver. Et puis le souci ici c'est de se débarrasser des énormes quantités de neige déblayée qui ne fondra pas avant plusieurs mois, et d'arriver à nettoyer les trottoirs et les abords des rues, ce qui implique de déplacer sans prévenir les véhicules garés en toute légalité.

Alors oui, c'est pire en Belgique, je m'en suis aperçue dès mon arrivée : une toute fine couche de neige très humide et extrêmement glissante recouvrait toute les rues et j'aurais été totalement incapable de conduire alors que je m'en sors sans problème en pleine tempête de neige à Helsinki. A la moindre côte, les voitures et camions même munis de pneus neiges patinaient lamentablement, restaient coincés ou faisaient des tête-à-queue et bloquaient le passage. En-dehors des routes, une neige lourde s'était accumulée et reposait sur une couche de glace, les arbres ployaient sous le poids et beaucoup de branches cassaient, les toits des entrepôts s'effondraient sous le poids de la neige même lorsque la couche était relativement mince. Impossible de trouver la moindre pelle à neige (un outil dont nous n'avons jamais eu besoin), ni d'ailleurs de pneus neiges, de chaînes ou de sel, tout est en rupture de stock. Dans ces conditions, sortir la voiture est un véritable challenge, au moins jusqu'au moment où les camions ont déblayé les routes (et ça prend souvent quelques jours). 




Alors la comparaison n'est pas tellement en faveur des Belges, mais ça ne veut pas dire que les Finlandais sont tellement plus efficaces. Ils ont plus d'expérience, ils font face à des problèmes différents et les conditions sont quand même plus faciles sur terrain plat. Leur grande qualité c'est de moins se plaindre, ils prennent tout ça avec philosophie et ne s'inquiètent pas trop d'arriver une heure en retard au boulot. Les Belges ont été largement pris par surprise et ils n'y sont pour rien : sans pelles à neige, sans sel ou quoi que ce soit pour nettoyer les routes, sans chaînes et souvent sans pneus neiges, même le meilleur pilote ne peut pas se déplacer. Et on peut critiquer comme on veut le manque de prévoyance, il est difficile de faire face à un événement neigeux aussi exceptionnel et peu raisonnable d'investir dans du matériel souvent cher qui ne servira qu'une seule fois.

Bref, haut les coeurs, amis belges ! Même les esquimaux n'auraient pas fait mieux, j'en suis sûre :)


3 comments:

  1. Salut, j'ai lu ton blog avec intérêt car j'ai moi-même vécu 2 ans en Finlande (à Joensuu entre 1998 et 2000)) et suis marié avec une finlandaise depuis 8 ans (15 ans de couple). Je suis assez d'accord avec toi sur la gestion de l'hiver bien que, à la campagne, c'est différent d'Helsinki.
    J'ai aussi lu avec attention les difficultés que tu as avec ta belle-famille car j'ai eu les mêmes la 1è année. En fait, les Finlandais ne viennent pas spontanément vers un étranger et restent très méfiants (j'étais celui qui vient leur "prendre" leur fille) mais avec de la persévérence, cela s'est arrangé et j'arrive à trouver des intérêts communs (surtout avec mon beau-père) mais c'est vrai que la barrière de la langue n'est pas toujours évidente. Tout cela pour dire de persévèrer d'aller vers eux, avec le temps cela marche. Tiens, au fait, que pense ton copain de la Belgique, il y vient facilement? Je sais que, contrairement aux femmes, les hommes finlandais sont durs à faire voyager ;-)...

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  2. Nathalie, je vous remercie pour ce petit moment d'humilité. Il est rassurant de voir qu'il existe encore des gens sensés qui relativisent. Personnellement, je n'ai pas eu de souci de déplacement car étant un habitué de la Suisse, je suis correctement équipé. Je ne peux que conseiller à tout le monde d'en faire autant. Car il est moins couteux de s'équiper individuellement que d'investir dans du matériel de déneigement plus efficace. Merci pour cette analyse pertinante de 2 situations semblables.

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  3. Merci pour votre double expérience.
    Moi aussi je reste zen devant cette neige qui s'accumule devant ma porte. Et je suis 100% d'accord avec les interdictions totales, mais temporaires, de circulation des poids-lourds, malgré les désagréments de non-approvisionnement en pelles à neige dans le bricos.
    Et quand j'ai vu ce camion citerne rempli de mazout de chauffage incapable de monter la rue qui mène à ce clos privé, déraper, au point de presque, ouf, enfoncer le mur de ma cuisine, drame privé infinitésimal par rapport au risque de pollution hydrocarbure, je râle contre contre les édiles de ma commune qui n'imposent pas les équipements spéciaux à ce genre de véhicule ou l'interdiction temporaire dans les rues en pentes - et il y en a beaucoup - de ma commune.

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