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Wednesday, 23 May 2012

[Le blog du mercredi] Sorcelleries

Avec les blogs du mercredi, j'essaie de varier un peu les plaisirs. Après les bons petits gâteaux et les vernis colorés, passons aux livres. Et là, il y a le choix, vu que la catégorie "Lecture" de mon google reader contient pas moins de 100 sources (tout rond !). 

Alors, pourquoi choisir Sorcelleries ?  Parce que son auteure, Sita, fait un truc de ouf : elle dessine ses chroniques. Déjà j'ai un un respect immense pour ces gens qui arrivent à dessiner sans décalquer, mais en plus, dessiner son avis à propos d'un livre ? L'écrire n'est déjà pas évident !

Comment fait-elle ? Il faut le voir pour comprendre. Elle écrit ses avis dans des bulles qu'elle fait sortir de la bouche d'un petit personnage qui lui ressemble et qui exprime visuellement ses impressions. Tout est génial : c'est bien dessiné, les effets sont amusants, le texte est excellent, les lectures variées, la chronique bien argumentée, et elle fait juste la longueur que j'aime. Bref, c'est un des rares blogs littéraires dont je lis les chroniques même quand le livre chroniqué ne m'attire pas. 

Allez-y, jetez un oeil à cette merveille, puis laissez un petit mot pour que Sita continue ce magnifique exercice (qui doit lui demander pas mal d'efforts j'imagine !).



Sunday, 27 November 2011

L'homme et le progrès

Si nous croyons que la machine abîme l'homme c'est que, peut-être, nous manquons un peu de recul pour juger les effets de transformations aussi rapides que celles que nous avons subies.  Que sont les cent années de l'histoire de la machine en regard des deux cent mille années de l'histoire de l'homme ?  C'est à peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales électriques. C'est à peine si nous commençons d'habiter cette maison nouvelle, que nous n'avons même pas achevé de bâtir. Tout a changé si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes.  Notre psychologie elle-même a été bousculée dans ses bases les plus intimes.  Les notions de séparation, d'absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurés les mêmes, ne contiennent plus les mêmes réalités. Pour saisir le monde aujourd'hui, nous usons d'un langage qui fut établi pour le monde d'hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à notre nature, pour la seule raison qu'elle répond mieux à notre langage.
Chaque progrès nous a chassés un peu plus loin hors d'habitudes que nous avions à peine acquises, et nous sommes véritablement des émigrants qui n'ont pas fondé encore leur patrie.

Ainsi écrivait Antoine de Saint-Exupéry en 1939 (Terre des Hommes, p. 50 de l'édition Folio). A l'époque, il parlait des machines et des avions. Et pourtant, ce qu'il dit est toujours tellement vrai, 60 ans après, quand le progrès a encore accéléré !

Wednesday, 8 June 2011

Ma rencontre avec Eichmann à Jérusalem

Comme vous le savez sûrement, je tiens un blog racontant mes lectures (voir le lien "Mes lectures" ci-dessus).  Je sais que c'est un sujet qui n'intéresse pas particulièrement les visiteurs de celui-ci, mais le livre que j'ai lu récemment m'a apporté beaucoup plus que le simple plaisir de l'évasion.  Il s'agit du témoignage - chronique - essai d'Hannah Arendt, "Eichmann à Jérusalem".  Comme il s'agit d'un sujet qui me hante et que je voudrais partager avec vous, je vous reproduis ici mon compte-rendu de lecture et mes questionnements.


Résumé :

En 1961, Adolf Eichmann, haut fonctionnaire allemand sous le Troisième Reich, est enlevé à Buenos Aires par les services secrets israéliens et emmené en Israël pour y être jugé.  Pendant la deuxième guerre mondiale, il était responsable des « affaires juives et de l'évacuation »  et par conséquent a géré d'un point de vue logistique l'identification des victimes de l'extermination raciale et leur déportation vers les camps de concentration. Hannah Arendt, philosophe juive allemande exilée aux Etats-Unis, couvre le procès pour le journal The New Yorker. Ce livre est la compilation de ses chroniques du procès où elle dresse le portrait d'un meurtrier de masse sous les traits d'un homme ordinaire, sans fanatisme, l'incarnation de "la banalité du mal".


Mon avis :

Je suis depuis longtemps fascinée par l'Holocauste.  Je n'arrive pas à imaginer comment une nation civilizée, il y a seulement soixante ans, a pu mener un massacre d'une telle ampleur par pure haine contre un peuple innocent, sans aucun intérêt en soi.  Je ne comprends pas non plus comment des milliers d'hommes (et de femmes) ont collaboré sans état d'âme à un meurtre aussi gigantesque et aussi cruel envers des gens qui vivaient parmi eux.  Je ne peux pas croire que tous les organisateurs de la Solution Finale, de ceux qui ont donné les ordres à ceux qui poussaient les gens dans les chambres à gaz du bout de leurs fusils ou dénonçaient leurs voisins, étaient des sadiques ou des dégénérés moraux.  Mais alors, comment cela a-t-il pu arriver ?  Quel genre d'être humain collabore à un tel massacre, quel état d'esprit peut annihiler toute conscience ?  Ce sont des questions qui me hantent parce que je ne peux même pas concevoir une explication qui me paraisse vaguement plausible.  Et aussi parce qu'il me semble essentiel de comprendre afin de pouvoir éviter que ça ne se reproduise.

Il y a quelques années j'ai lu "La mort est mon métier", une biographie romancée du commandant d'Auschwitz Rudolf Höss écrite par l'historien Robert Merle, un de mes auteurs préférés.  Un ouvrage superbe qui nous permet de découvrir ce qui fait d'un gamin à peu près ordinaire, un homme qui va mettre sur pieds avec beaucoup de zèle des méthodes d'extermination systématique.  Merle nous présente Höss comme un homme normal déshummanisé par les circonstances. C'est une théorie intéressante qui répond en partie à ma question et qui m'a encouragée à approfondir mes recherches en ce sens.

C'est là que j'ai appris que la vision de Merle se rapprochait de celle d'Hannah Arendt, laquelle l'a rendue publique dans son ouvrage "Eichmann à Jérusalem", d'ailleurs sous-titré "Rapport sur la banalité du mal".   C'est ce qui m'a menée à ce livre.  J'espérais y lire à la fois le compte-rendu d'un des procès les plus médiatisés du XXème siècle, mais aussi une approche philosophique, sociologique et psychologique sur la question de savoir ce qui s'était passé dans la tête d'hommes normaux agissant comme des monstres. 

Je dois dire que j'ai été très surprise sous bien des aspects au cours de ma lecture.  La première surprise c'est que ce livre n'est pas un compte-rendu comme je m'y attendais, mais plutôt une analyse du procès.  Arendt n'y présente pas le déroulement du procès de façon linéaire mais plutôt sa substance, divisée en sujets d'analyse, enrichie par une recherche historique et documentaire très approfondie et par une analyse sociologique, psychologique et juridique extrêmement pertinente.  Le tout reste pourtant largement accessible et bien écrit (malgré de longues et nombreuses parenthèses un peu démodées de nos jours).  Arendt fait aussi preuve d'un esprit très critique : elle n'épargne ni la défense ni l'accusation, remet en cause la tenue du procès lui-même, retourne aux bases des fondements juridiques et moraux qui justifient la notion de "crimes contre l'humanité" et remet en perspective les affirmations de tous les intervenants. Depuis 1963, année de publication du livre, cette analyse de l'Holocause restera une référence.

La deuxième surprise c'est que je m'attendais à une présentation théorique du concept de "banalité du mal" bien distinguée du reste du texte. En fait il n'en est rien : tout le livre porte sur le procès et sur les thème abordés par celui-ci.  La "banalité du mal" est en réalité un concept qui se dégage quasiment de lui-même, presque incidemment, à partir de la présentation d'Eichmann qui est faite par Arendt.  

En fait, sous la plume bien documentée d'Arendt, Eichmann n'est pas, comme je m'y attendais (troisième surprise), un grand dignitaire allemand, intelligent, rusé, pervers, à la tête de l'Etat ; le petit frère d'Hitler ou de Heydrich, en somme.  Au contraire, c'est un homme d'intelligence très moyenne, incapable de saisir les non-dits, laissé de côté par les vrais décideurs et arrivé au sommet de sa carrière parce qu'il a choisi "le bon camp".  Il a lu deux livres sur le judaïsme (les deux seuls livres qu'il ait lu dans sa vie) et le voici promu "spécialiste de la question juive" juste avant la guerre, ce qui deviendra un poste important lorsqu'est décidée la Solution Finale. Très longtemps, il croit qu'on va expulser les Juifs vers une terre pour les accueillir et défend des solutions irréalisables.  A la Conférence de Wannsee, ce n'est qu'un petit intervenant qui servira de rapporteur.  Mais une fois les ordres donnés, il pourra enfin faire montre de son seul vrai talent, celui de logisticien qui remplit les trains de Juifs et les emmène jusqu'aux camps de concentration pour vider pays après pays.

Arendt met très clairement en lumière la façon dont Eichmann a, en très peu de temps et de façon assez lâche, réussi à s'asseoir sur sa conscience pour exécuter les ordres et faire carrière.  Elle ne le présente pas comme un antisémite convaincu mais plutôt comme un petit homme ambitieux et sans vraie personnalité.  Même au moment du procès, il ne semble pas capable de se battre correctement pour sa propre vie : ses mensonges sont si maladroits et sa mémoire sélective le sert si mal qu'Arendt y voit plutôt une tendance à se représenter sa vie sous la forme de phrases qui sonnent bien, sans rapport avec la réalité des faits, ce qui lui interdit une vue raisonnée sur son environnement.  Elle décrit notamment sa visite dans un camp de concentration pour venir en aide à un ami juif qui est enfermé ; Eichmann réussit à lui obtenir quelques privilèges et repart avec le sentiment du devoir accompli, alors que l'ami en question se trouve dans un camp de la mort où il décèdera six semaines plus tard.

C'est à partir de là que le lecteur a lui-même la possibilité de se représenter "la banalité du mal". Arendt ne généralise pas cette théorie et s'en tient à l'analyse d'un homme en particulier, mais le lecteur est très tenté de s'offrir ce luxe.  Il ne faut pas croire non plus qu'Arendt nous propose cette représentation comme une excuse : parce qu'un homme normal dans ces circonstances s'est laissé entraîner à participer à des actes aussi atroces, on pourrait penser que tout homme dans ce cas est excusable.  Arendt démonte cette façon de voir de différentes façons, notamment en critiquant violemment l'excuse d'Eichmann selon laquelle "si lui ne l'avait pas fait, un autre l'aurait fait". Il n'en reste qu'elle démontre aussi la faiblesse du système d'extermination nazi : il suffisait d'un rouage qui grippe pour que toute l'opération soit remise en cause.  Et dans la plupart des pays, il n'y a eu aucun petit caillou pour enrayer la machine.

A côté de l'analyse du "cas Eichmann", une foule d'autres informations se bousculent dans ce livre qui n'a pourtant rien d'une encyclopédie.  Il y a notamment la présentation succincte de l'extermination juive pendant la guerre, pays par pays, qui est particulièrement intéressante car les situations ont été extrêmement variées : depuis la Roumanie qui a choqué les Allemands par la barbarie du traitement des Juifs, jusqu'au Danemark dont la résistance passive a réussi à faire annuler toute l'opération.  Il y a aussi l'épineuse et étonnante question de la participation des Conseils Juifs dans la déportation.  Arendt affirme et prouve que dans chaque pays envahi, les Allemands confiaient aux représentants de la population juive la tâche de sélectionner et de préparer les convois vers les camps de concentration.  J'ignorais ce "détail", qui a d'ailleurs donné lieu à des marchandages tout à fait horribles. Arendt va jusqu'à affirmer que sans cette collaboration, l'Holocauste aurait été en grande partie impossible.  

Il y a aussi un passage qui m'a beaucoup marquée, celui qui concerne la Conférence de Wannsee.  Il s'agissait d'un rassemblement de hauts fonctionnaires de l'Etat allemand où Heydrich, adjoint d'Himmler, annonce aux secrétaires d'État des principaux ministères la mise en oeuvre de la Solution Finale.  Pour une entreprise d'une telle envergure, il a besoin du soutien de tous les organes de l'Etat ; mais ce n'est pas gagné d'avance, car ces hauts fonctionnaires de carrière sont en poste depuis très longtemps, bien avant que les nazis ne prennent le pouvoir, ce ne sont pas des SS convaincus comme les proches d'Hitler. On pourrait s'attendre à ce qu'ils se rebellent contre un projet aussi immoral, d'autant plus que (une autre chose qui m'a beaucoup étonnée) aucun dignitaire allemand, avant ou pendant la guerre, n'a été condamné sérieusement pour s'être opposé à l'antisémitisme ; les seules sanctions étaient professionnelles.  Et pourtant, pas un seul des participants à la Conférence de Wannsee n'a émis la moindre objection morale au principe de la Solution Finale.  Au contraire, les intervenants se sont attachés à proposer des solutions concrètes pour sa mise en place effective.  Et eux, ce n'étaient pas de simples fonctionnaires pas très intelligents comme Eichmann, c'étaient les têtes pensantes qui faisaient fonctionner l'Etat en coulisse depuis des années.

Alors, au final, qu'est-ce que j'en retire ?  Plus de questions que de réponses, probablement. Disons qu'il devait y avoir plusieurs classes parmi les collaborateurs à l'Holocauste : les sadiques, les individus incapables de distinguer le bien du mal ou de faire preuve d'empathie, les profiteurs qui avaient un intérêt matériel à se débarrasser de certains Juifs, les hommes normaux endoctrinés par les circonstances, les "suiveurs" peu intelligents du type d'Eichmann. Mais je ne suis pas persuadée que ça explique les milliers de cas d'humains déshumanisés. Et il y a encore tellement de questions parallèles à élucider... 

Bref, un livre interpellant qui devra être suivi par encore bien d'autres avant que je puisse trouver toutes mes réponses, même si Hannah Arendt m'a mise sur la bonne voie. Si vous avez d'autres ouvrages de qualité à me proposer sur ce sujet, n'hésitez pas, je suis preneuse !


Un extrait audio :
Cet extrait (en anglais) est issu du postcript et résume en quelques mots ce qui, dans la personnalité d'Eichmann, lui a permis de devenir un des plus grands criminels de l'histoire.  
       
   

Pour en savoir plus :
- le mémorial de Yad Vashem pour les victimes juives de la Shoah a mis en ligne sur YouTube l'intégralité du procès d'Eichmann avec des sous-titres en anglais.

Friday, 12 February 2010

Encore un nouveau blog !

Ca y est: je me suis enfin décidée à arrêter d'envahir ces pages avec mes compte-rendus de lecture.  Je ne compte pas arrêter d'en écrire, non, au contraire. Mais à force, je me suis retrouvée avec deux types de visiteurs: ceux qui souhaitent suivre ma petite vie et qui ne sont pas particulièrement intéressés par mes lectures, et ceux qui viennent de la blogosphère littéraire et souhaitent seulement découvrir les livres qui me sont passés sous les yeux.

En plus de ça, je commençais à manquer de place: j'aurais voulu lister mes critiques par auteur, titre et genre, mais où caser tout ça ?  Et à force de publier plein de billets littéraires en français, j'ai eu peur de perdre mes lecteurs anglophones...

Face à tous ces inconvénients, j'ai enfin sauté le pas et je suis entrée de pleins pieds dans la blogosphère littéraire. Mon nouveau chez moi s'appelle "Page à page", il est tout neuf et tout joli; je suis particulièrement fière du design, customizé avec amour.  Tous ceux et celles qui venaient ici pour mes critiques de livres, retrouvez-moi là-bas: j'ai déjà recopié les billets lectures passés et je compte en ajouter des nouveaux très très souvent. J'espère que l'endroit vous plaira. Pour vous y rendre, vous trouverez un raccourci en cliquant sur le lien "mes lectures" en haut à droite de cette page-ci. 

Pour les autres, retournons ensemble aux raisons pour lesquelles j'ai créé ce blog-ci: vous parler de mes petites aventures en Finlande, de mes photos, de ma vie en général et de mon avis sur plein de choses.

Bonne lecture à tous !






Monday, 8 February 2010

[Mes lectures] La croix d'ossements, de Patricia Briggs

Je m'apprête à écrire là un article qui va en faire baver plus d'une... Il se trouve que "La croix d'ossements" est le quatrième tome des aventures de Mercy Thompson. Un tome qui ne paraîtra en français qu'en mai, mais déjà sorti en "paperback" pour sa version anglaise... Pour vous, toutes les fans qui trépignent d'impatience, je vais essayer de faire une critique honnête et qui ne dévoile pas trop l'intrigue. Mais ne m'en veuillez pas trop si elle est alléchante :)


Résumé:

Mercy n'est pas encore remise de sa dernière aventure particulièrement traumatisante, qu'elle est déjà replongée dans le drame. Stefan, son ami vampire, atterit chez elle en piteux état: il a été torturé par Marsilia, la reine vampire qui a appris que Mercy avait assassiné un de ses plus fidèles lieutenants. Sous la protection de la meute des loups-garous, Mercy semble relativement en sécurité, mais ça n'empêche pas Marsilia de s'attaquer à ceux qu'elle aime. Pour une fois, elle pense agir avec prudence en s'éloignant des Tri-Cities pour appaiser les esprits, mais ce n'est que pour tomber entre les pattes d'un ennemi encore plus dangereux...


Mon avis:

Le tome 4 commence exactement à l'endroit où le tome 3 se termine, à la minute près. Il commence d'ailleurs par les quelques paragraphes qui ont terminé le tome 3, ce qui est légèrement perturbant quand on enchaîne les deux tomes sans reprendre son souffle comme je l'ai fait. Pas de répit pour Mercy non plus, donc, et que ceux qui espèrent voir évoluer sa relation avec son nouvel amoureux n'attendent pas trop: elle n'en a tout simplement pas le temps !

Par contre, au niveau de l'intrigue, ce tome est plutôt la continuité du tome 2. Les fae ne sont plus le centre de l'histoire ici, on retrouve les vampires, avec l'apparition en "guest stars" des fantômes sur lesquels on en apprend un peu plus. Pour eux aussi, Patricia Briggs crée quelques règles de fonctionnement, quelques déclinaisons sur ce thème ultra-connu, et j'ai beaucoup aimé cet aspect du livre - comme j'avais déjà aimé découvrir les autres types d'êtres surnaturels qui peuplent son monde.

On en apprend également beaucoup sur les relations qui se tissent au sein des peuples surnaturels. Comment devient-on membre d'une meute de loups-garous, et qu'est-ce que cela signifie ? Quelle est la relation entre un vampire et sa proie, entre un vampire et sa reine ? Il y a là-dessus plus à savoir que ce qu'on imagine, et évidemment Mercy se retrouve prise au milieu de tout ça. Je ne vous en dis pas plus, mais j'ai beaucoup aimé cet aspect-là aussi, qui implique un côté émotionnel toujours bien maîtrisé par l'auteur.

Au final, un très bon tome encore une fois. Je suis incapable de nommer mon préféré mais ça pourrait bien être celui-ci. L'histoire gagne en profondeur à chaque tome, et à la fin de celui-ci il reste encore plusieurs ancrages pour des aventures à venir. Le cinquième tome, "Silver Borne", sort en avril en anglais; je pense attendre l'édition poche pour que ma collection reste au même format, mais je ne sais pas si j'en aurai le courage...

Pour plus d'infos, la page Bibliomania de ce livre vous attend. Elle n'est pas encore très fournie en critiques mais ça viendra :)

Sunday, 7 February 2010

[Mes lectures] Le baiser du fer, de Patricia Briggs

Voici le troisième tome des aventures de Mercy Thompson; comme je vous l'avais promis après la lecture du tome 2, il a fallu que je commande immédiatement le livre suivant. Et comme les précédents, je l'ai dévoré !


Résumé:

Lors du dernier tome, Mercy avait reçu l'aide de son ancien patron fae, Zee. C'est maintenant à son tour de lui rendre service: une série de meurtres ont été commis dans la réserve des fae et le nez de coyote de Mercy pourra peut-être aider à identifier l'auteur. Ce qui est le cas; mais les choses se compliquent lorsque le meurtrier est lui-même assassiné et que Zee est arrêté sur le lieu du crime. Puisque personne ne veut aider le vieux Gremlin, Mercy va devoir encore se mêler de ce qui ne la regarde pas !


Mon avis:

Pour beaucoup de lecteurs de cette série, c'est le tome 3 qui serait le meilleur. J'étais pour ma part très impatiente de découvrir le monde des fae après celui des loups-garous et des vampires. Les fae, dans le monde de Mercy Thompson, ce sont toutes les vieilles créatures magiques d'origine européenne, ce qui regroupe pas mal de bestioles plutôt étranges et diversement dangereuses: fées, ogres, gremlins, êtres des forêts, des mers... Un mélange peu homogène que j'avais du mal à me représenter.

Sur ce point-là, j'ai été un peu déçue: je trouve que comparé à ce qu'on apprend sur les loups-garous et les vampires dans les deux tomes précédents, on en apprend finalement peu sur les fae, on ne fait qu'effleurer leur monde via une petite visite de leur réserve. Ceux que l'on croise plus sérieusement, on ne fait que sous-entendre leurs pouvoirs. Mercy est sans cesse menacée des pires représailles parce qu'elle en sait trop et en fait, elle ne sait pas grand-chose ! Encore maintenant, je ne sais pas trop comment les fae interagissent alors que j'ai une idée très précise des rapports de force entre loups-garous et entre vampires.

Mais ça n'empêche pas que ce roman soit dans la lignée des précédents: plein d'aventures, palpitant à souhait ! Au milieu de l'enquête de Mercy vient se greffer ses dilemmes amoureux qui prennent de l'importance: Samuel ou Adam ? Je dois dire que son choix m'a plutôt étonnée, j'aurais à sa place pris l'autre option. Ce n'est qu'une fois le choix fait qu'on comprend un peu mieux ses motivations. Mais no souci pour ceux qui craignent que l'eau de rose dégouline un peu trop: tout ceci reste bien dosé, l'aventure est toujours le premier moteur, et je m'en réjouis pleinement.

En réalité, ce qui m'a vraiment séduite dans ce volume, c'est la fin. Mercy subit une épreuve particulièrement difficile, physiquement et moralement, et j'ai adoré la façon dont c'était traité. Les sensations décrites sont très crédibles, et sans que ça soit larmoyant on souffre avec cette pauvre Mercy. Du beau boulot sur un sujet particulièrement difficile. L'intrigue a beau tourner autour d'une série d'êtres surnaturels, finalement on retrouve des situations et des sentiments très humains, le tout bien traité. Je ne sais pas si ce tome est mon préféré, mais en tous cas ce passage - l'attaque et ce qui vient après - est certainement le plus intense à mes yeux.

Bref, je suis et reste fan de la série Mercy Thompson ! Rendez-vous dans peu de temps sur ce blog pour mon avis sur le tome 4, le dernier sorti en anglais...

Toutes les infos sur ce livre sur sa page Bibliomania !

Et au passage, ça me fait le deuxième livre lu sur les six que je me suis engagée à lire pour le Challenge Livraddict, youpeee !




Saturday, 6 February 2010

[Mes lectures] Thérapie, de Sebastian Fitzek

Le roman dont je vous parle aujourd'hui, Thérapie, a fait l'objet d'un partenariat entre les éditions du Livre de Poche et Livraddict. Je n'ai pas fait partie des heureux élus qui ont reçu ce livre (les dix exemplaires sont partis comme des petits pains) mais je n'en ai lu que des critiques positives. Je l'ai ensuite reçu en prêt de Miss Spooky Muffin et c'est maintenant à mon tour de vous en chanter les louanges...


Résumé:

La vie de Viktor Lorenz, célèbre psychiatre bernois, a sombré le jour où sa fille Josy a disparu sans laisser de traces dans le cabinet d'un médecin, après avoir souffert pendant des mois d'une étrange maladie. Quatre ans plus tard, Viktor a abandonné son métier et vit renfermé sur son chagrin. En séjour, seul, au bungalow de sa famille sur l'île de Parkum, il y reçoit contre son gré une jeune femme mystérieuse qui demande à être soignée. Anna Spiegel, romancière, affirme être atteinte d'une schizophrénie qui lui fait rencontrer, dans la vie réelle, les personnages de ses romans. Et sa dernière oeuvre parle d'une petite fille malade qui disparaît chez le médecin... Dès lors, Viktor ne cherche qu'à interroger cette femme qui semble de plus en plus dangereuse, sur une île rendue inaccessible par la tempête.


Mon avis:

Ami des thrillers en huis clos, bonsoir ! J'ai ce qu'il te faut: "Thérapie" ne risque pas de te guérir de cette passion mais te procurera un bon moment de plaisir, traitement recommandé après l'avoir personnellement testé !

Bon, soyons honnêtes: ce n'est peut-être pas le roman de l'année. L'écriture est assez banale - mais traduite de l'allemand. Le thème permet quelques facilités: sur fond de maladie mentale, l'auteur peut jouer avec les pieds du lecteur sans lui révéler ce qui est vrai et ce qui est faux. Encore faut-il le faire avec subtilité pour ne pas laisser au lecteur l'impression d'avoir triché.

Et là, l'auteur s'en sort à merveille. Pour tout vous dire sans rien vous révéler, je me suis un peu doutée du problème; à partir du moment où l'histoire devient vraiment incompréhensible, on ne peut pas s'empêcher d'émettre des hypothèse. Je n'avais pas tort en imaginant les miennes, mais j'ai malgré tout été totalement bernée. Dans les dernières pages, Fitzek nous offre plusieurs retournements de situation consécutifs qui laissent pantois le lecteur le plus aguerri. Ca vaut la peine de se traîner jusqu'à l'explication, même si en cours de route on a tendance à s'ennuyer un rien; pas que ça manque d'action, mais plutôt qu'à force de s'enfoncer dans la brume, on aimerait quand même entrevoir la lueur du phare.

Le livre en lui-même n'est pas trop épais - 309 pages édition poche - mais c'est le genre de choses qu'on a du mal à lâcher: on veut savoir ! Et si, une fois qu'on sait, on en reste époustoufflé sans se sentir trahi, moi je dis: c'est un bon thriller. "Thérapie" correspond tout à fait bien à cette définition.

Bref, une chouette lecture que je recommande à tous les amateurs du genre. A commencer pas trop tard dans la journée, au risque d'y passer une nuit blanche...

Friday, 5 February 2010

[Mes lectures] Tête de piaf, de Philippe Crognier

Ce que j'adore dans les livres reçus en partenariats, c'est la magie de la surprise. Même si j'ai la possibilité de choisir de postuler pour tel livre plutôt que tel autre, ce sont généralement des oeuvres que je n'aurais pas achetées par moi-même, tout simplement parce que je ne les connaissais pas. De temps en temps, je tombe ainsi sur une merveille totalement inattendue... comme ce petit livre vert que je vous présente.


Résumé:

Ils sont tous paumés, d'une façon ou d'un autre. Il y a les deux SDF, le gamin traumatisé, le mari confiant mais trompé, la PDG qui en a assez de ne pas pouvoir rire et son chauffeur divorcé... Ils n'ont rien en commun mais ils se retrouvent ensemble au Point du Jour, la grande maison où Robin et Jeannine accueillaient les repris de justice. Parfois il faut une petite pause pour mieux redémarrer.



Mon avis:

Autant le dire tout de suite, ce livre rappelle irrésistiblement "Ensemble, c'est tout", d'Ana Gavalda. En beaucoup plus court: face au pavé de 600 pages de Gavalda, nous avons un petit volume de 108 pages au format un peu étrange (légèrement plus grand et plus allongé qu'un livre de poche classique) et aux lignes aérées. Presque une nouvelle, qui se dévore en deux heures. Face à Gavalda, Philippe Crognier oppose aussi une écriture qui a un peu moins tendance à l'élipse, des phrases un peu plus complètes, quelques descriptions en plus. Et un style un tantinet plus distant: là où Gavalda fait parler les personnages, lui s'amuse plutôt à les suivre de l'extérieur tout en gardant un style très naturel.

Mais là s'arrêtent les différences: j'ai adoré "Ensemble c'est tout" et je suis restée scotchée à "Tête de piaf". En deux ou trois pages, l'auteur nous présente un ou deux nouveaux personnages qu'il rend tout de suite attachants, un petit miracle à chaque fois. Et il recommence au chapitre suivant, et à celui d'après, jusqu'à ce qu'au bout de quelques chapitres on se retrouve face à une belle brochette de bras cassés tous bien implantés dans le coeur du lecteur.

Une fois les ingrédients mis en place, vient le moment de faire prendre la mayonnaise: comme dans "Ensemble, c'est tout", ce petit livre réunit pour quelques semaines de miracle ces cassés de la vie qui vont se réparer ensemble. Avec ici, en plus, une petite touche de vengeance délicieuse à la Amélie Poulain quand elle s'attaque à Collignon. C'est doux, c'est frais, ça fait croire qu'il reste encore de l'espoir quand on touche le fond, ça laisse entrevoir un bonheur simple fait de petites choses et de grandes gens, loin des contingences de la vie. Un peu de naïveté dans un monde de brutes.

Bref, ce n'est peut-être pas une nouveauté dans l'idée mais une très jolie perle qui met les larmes aux yeux le temps d'un instant. Le genre de petites délicatesses à dévorer dans un moment de mélancolie. Soit vous avez comme moi adoré "Ensemble, c'est tout" et vous aurez beaucoup de plaisir à retrouver ce genre d'univers; soit vous ne l'avez pas encore découvert et avant de vous attaquer à ce plat de résistance dans lequel il faut une bonne fourchette pour entrer, je vous conseille de déguster "Tête de Piaf" en amuse-gueule. Vraiment, en ce qui me concerne, un petit coup de coeur et un titre que je recommande.

Un grand merci aux éditions Abel Bécanès, une jeune maison d'édition que je félicite au passage pour les présentation et mise en page très agréables de ce petit livre !

Pour les informations techniques complètes sur ce livre et les avis d'autres lecteurs, c'est sur la fiche Bibliomania. Jetez notamment un oeil à l'avis de Cynthia :)

Friday, 29 January 2010

[Mes lectures] Happy Sex, de Zep

Le problème avec ce blog, c'est qu'à force d'essayer d'alterner sujets en français et en anglais, compte-rendus de lecture et autres, je n'ai pas toujours l'occasion de chroniquer tous les livres qui me passent sous les yeux. L'une de mes résolutions pour 2010 c'était de m'améliorer à ce niveau-là, et j'y travaille...

Quoi qu'il en soit, il y a des livres que je me dois de chroniquer absolument: ceux qui me sont offerts par des lecteurs de mon blog. Dans cette catégorie se range la bande dessinée "Happy Sex", cadeau du Père Noël (qui lit peut-être ce blog, sait-on jamais) via l'intermédiaire d'El Jc (dont je suis sûre qu'il lit ces pages). Sur son blog "le quadrant alpha", dont je vous ai déjà parlé, il avait organisé un petit concours de Noël avec à la clé trois livres offerts. J'ai eu la chance d'être l'un des gagnants et j'ai pu recevoir, à ma demande, cette jolie bande dessinée un peu coquine...


Résumé:

D’habitude, Titeuf se pose plein de questions sur la sexualité des ados. Cette fois, Zep, son créateur, met en scène la sexualité des adultes dans un album en forme d’«aphrodisiaque du rire». Jamais vulgaire mais toujours aussi drôle, Zep montre que la vie intime d’un couple peut aussi être amusante, burlesque ou cocasse. Un album hilarant à lire à deux…
(Source: Fnac.com)




Mon avis:

Voilà un cadeau qu'il fallait oser demander au grand Père Noël ! Parce que malgré tout, cet album est assez explicite. Alors que Zep s'est fait connaître avec ses albums jeunesse, celui-ci n'est pas à mettre dans toutes les mains ! L'auteur s'embarque dans l'humour de boudoir, explore le côté comique de la sexualité et ne prend pas de gants avec la réalité anatomique...

Le problème avec ce genre de choses, c'est que la frontière entre l'humour et le vulgaire est très, très ténue. Heureusement, ici, si l'on peut parler de blagues "coquines", ce n'est certainement pas "salace". Les dessins sont explicites mais ça reste des dessins, avec le style agréable de Zep - j'aime particulièrement sa façon de représenter les personnages. Quant à l'humour, rien de gratuitement provocant, rien de particulièrement lourd: des situations parfois abracadabrantes, mais toujours comiques à leur façon. Le genre de choses dont on pourrait rire longtemps, à deux, mais qu'on n'oserait jamais raconter à personne !

D'un point de vue purement éditorial, je préfère généralement les bandes dessinées en couverture cartonnée, ce qui n'est pas le cas ici. Mais par contre, la présentation est originale et très réussie: le mot "sex" est découpé dans la couverture pour qu'on voie par derrière la fresque sur fond bleu de la première page. C'est particulièrement joli.

Voilà donc un album que j'ai apprécié. Le défi de l'auteur est réussi: faire rire avec des situations intimes sans devenir graveleux. Même ma tendre moitié qui ne parle pas français l'a parcouru et en a souri...

Bref, un super cadeau, pour lequel je remercie à la fois le Grand Père Noël et le Gentil El Jc !

Thursday, 28 January 2010

Challenge "Les lectures qu'on ne s'imaginait pas lire"

Eh oui, j'ai craqué: je me suis inscrite pour un troisième challenge lecture ! Après le challenge livraddict et le challenge "100 ans de littérature américaine", me voici avec le challenge "les lectures qu'on ne s'imaginait pas lire", au très joli logo créé par Aily.





C'est Lexounet, un membre de livraddict, qui a eu l'idée brillante de proposer ce nouveau type de challenge sur le forum. L'idée est la suivante: le premier membre nomme deux genres littéraires qu'il ne s'imagine pas lire. Le membre suivant lui choisit deux livres dans ces deux genres, et ces deux livres constituent le challenge du premier membre. Puis le deuxième membre nomme les deux genres littéraires qu'il ne lit pas, le troisième membre lui assigne deux livres, et ainsi de suite; c'est une longue chaîne... faite de lecteurs qui vont découvrir des genres pour lesquels ils ont un a-priori négatif, conseillés par d'autres lecteurs !

C'est ainsi que j'ai défié Tiphanie de lire le tome 1 de Mercy Thompson et "Kiss Kiss" de Roald Dahl, elle qui ne lit pas de bit-lit ni de recueils de nouvelles. Et à mon tour j'ai nommé deux genres que je lis très peu: les histoires d'horreur et la science-fiction. En retour, j'ai été défiée par Azariel, qui m'a choisi deux livres:
  • les Tommyknockers de Stephen King
  • Niourk de Stephan Wul.
Je n'ai lu aucune de ces deux oeuvres, je n'en ai même jamais entendu parler (enfin, je sais quand même qui est Stephen King, faut pas rigoler...). Mais les voilà qui s'ajoutent à ma liste de lecture pour les mois à venir.

Bon, c'est sûr, il faut que je m'arrête avec ces challenges, partenariats, book clubs et autres plans de lecture. Mais j'aime vraiment beaucoup le fait de se laisser guider dans ses choix de livre par des challenges intéressants, des découvertes non prévues ou des lectures communes. Et une fois qu'on met le doigt dans ce genre d'engrenage, on est pris ! Moi, en tous cas, je suis fan :)

Rendez-vous dans quelques semaines/mois pour savoir ce que j'ai pensé de cette petite incursion dans l'horreur et la SF !

Monday, 25 January 2010

[Mes lectures] Les liens du sang (Mercy Thompson T2) de P. Briggs

Après "L'appel de la lune" lu il y a quelques semaines, je me suis attaquée récemment au deuxième tome des aventures de Mercy Thompson (toujours en anglais). Un peu de bit-lit dans ce monde d'humains, ça ne fait jamais de mal... D'autant plus que ce livre fait partie de la liste du challenge Livraddict 2010 ! Et un sixième de fait :)

Résumé:
Mercy est réveillée en pleine nuit par son client et ami vampire, Stefan, qui réclame un service: il lui demande de l'accompagner à un rendez-vous avec un autre vampire pour lui servir de témoin discret sous sa forme de coyote. Rien de bien dangereux, a priori. Pourtant, Mercy échappe de justesse à la mort car le vampire du rendez-vous est en réalité un sorcier habité par un démon; autrement dit, un être particulièrement maléfique et aux pouvoirs très étendus. Autour de Mercy, les loups-garous et les vampires s'allient pour partir en chasse, mais rien ne se passe comme prévu...

Mon avis:


Pour tout vous dire, je suis à nouveau surprise d'avoir autant aimé ce livre. J'ai été encore plus séduite que par le premier tome, au point d'y consacrer quelques heures de sommeil pour le finir en deux jours. Décidémment, Mercy me plaît bien; sa vie n'est pas facile au milieu de toutes les sales bêtes qui l'entourent, mais elle n'a pas froid aux yeux ! J'ai beaucoup aimé le suspense, l'intrigue bien emmenée et pas trop gnangnan. Il y a bien quelques petits jeux de séduction mais ça reste marginal, heureusement pour moi. Mais ce que j'ai préféré, c'est qu'après le tome consacré au monde des loups-garous, on découvre ici celui des vampires. A nouveau l'auteur a créé une société avec des règles précises et un fonctionnement logique, des vampires "à la page" qui se sont bien adaptés à notre monde moderne. Et tout ceci est présenté sans lourdeur, en cours d'intrigue.

En ce qui concerne les défauts, car il y a en presque toujours, je citerais en premier l'absence de femmes dans ces aventures. Finalement, Mercy est le seul personnage féminin qui ait un peu d'importance et qui soit un tantinet intéressant. Honey est assez insupportable, Marsilia est clairement parmi les "méchants", Jesse on ne fait que l'entrevoir dans ce tome, et les autres sont très secondaires. Pas étonnant qu'au milieu de tous les mâles qui ont le pouvoir, Mercy soit aussi populaire: ils n'ont pas tellement de choix finalement ! Personnellement j'apprécierais un peu moins de testostérone...

Un autre défaut, et là je vais en étonner plus d'une, c'est la couverture. Cette espèce de jeune beauté boudeuse tatouée jusqu'aux dents et la chemise ouverte sur son soutien-gorge, le tout sur un fond rouge-passion, en soi ce n'est pas particulièrement laid mais qu'est-ce que c'est vulgaire ! On dirait un roman de gare sur le mode "sexe et sang", alors que ce n'est absolument pas ça. Je dois avouer que j'ai eu un peu de honte à ouvrir ce bouquin en public... Et c'est surtout très regrettable d'influencer le lecteur dans le mauvais sens.

Quoi qu'il en soit, une chouette lecture passionnante et délassante, facile à lire, un bon moment de détente que je vous recommande. Et en parlant de commander, il faut que je me procure le tome 3...


Friday, 22 January 2010

[Mes lectures] L'Empire des loups, de Jean-Christophe Grangé

J'ai reçu récemment un livre que je ne n'espérais plus: "L'Empire des loups". J'avais été sélectionnée sur Livraddict pour le recevoir en partenariat du Livre de Poche, mais il a mis un mois à me parvenir ! Après une incursion chez Maxime Chattam et deux visites à Franck Thilliez, je souhaitais continuer mon petit tour des auteurs de thrillers français contemporains. Si les deux derniers m'avaient assez déçue, j'ai quand même essayé d'aborder celui-ci sans a-prioris...


Résumé:

D'un côté, il y a Anna: épouse au foyer d'un haut fonctionnaire parisien, elle a l'impression depuis quelques semaines de perdre la tête: par moments, elle ne reconnaît plus les visages de personnes qui lui sont familières, surtout son mari. Son médecin et son mari souhaitent lui imposer une biopsie pour comprendre l'origine de son problème étrange, mais elle fera tout pour ne pas en passer par là... même s'il lui faut fuir sa vie confortable.

De l'autre côté, il y a Paul: policier passionné, il prend très à coeur une enquête sur des meurtres particulièrement sordides: trois jeunes filles sans papiers ont été cruellement assassinées et mutilées dans le quartier turc de Paris. A court de pistes, Paul va rechercher dans l'asile où il se cache un ex-policier violent et véreux mais qui connaît le quartier turc comme sa poche. Avec l'aide de cet allié dont il se méfie, l'enquête reprend vers une direction inattendue...


Mon avis:

Je peux déjà vous dire que, par rapport aux deux autres auteurs cités plus haut, Jean-Christophe Grangé a pour le moment ma préférence. Bien sûr il est difficile de se baser sur seulement une oeuvre, mais celle-ci s'est laissée lire avec beaucoup de plaisir. L'intrigue de départ est très bien ficelée, les deux mystères parallèles semblent insolubles avant qu'une explication viennent donner un sens à tous les détails. Le livre est divisé en parties elles-mêmes subdivisées en chapitres; une partie sur deux se rapporte à Anna, une à Paul, et on voit petit à petit les deux histoires se rencontrer. Au début j'attendais avec impatience les parties qui se rapportaient à Anna et à ses mystérieux symptômes, ensuite j'ai accroché à l'histoire de Paul et de son enquête.

Cependant, le genre "thriller français" semble obéir à quelques règles que je commence à cerner sans pour autant les apprécier, et on les retrouve dans ce roman. La principale est la préférence pour le sensationalisme par rapport à la crédibilité. C'est visible dans les personnages, qui ont tous un passé tourmenté et un présent chahuté, certainement pas le genre de personnes que l'on rencontre en réalité. C'est vrai aussi pour les faits: les meurtres notamment sont particulièrement sanglants, ont lieu dans des endroits improbables. Les méchants sont sans scrupules et préfèrent tuer même quand ce n'est pas réellement nécessaire, la menace se base sur des légendes et histoires particulièrement exotiques... Tout ça à la fois laisse un goût un peu populiste, peu réaliste, comme si l'auteur essayait d'attirer le plus grand nombre possible de lecteurs en jouant sur le sensationnalisme. C'est assez déplaisant, je trouve.

Ceci mis à part, c'est une lecture dépaysante et prenante. Le style de l'auteur est fluide et même si de temps en temps je le trouve un peu "grandiloquent" pour moi, les mots sont bien choisis et servent l'histoire sans l'alourdir. La fin m'a assez déçue (mais je ne vous en dis rien), ceci dit tout au long de la route l'auteur arrive à maintenir sur lecteur en haleine et à le surprendre quand il le souhaite. Comme on dit dans ces cas-là: un bon moment de détente.

Vous trouverez sur la page Livraddict de ce livre toutes ses références et les critiques d'autres lecteurs. Un grand merci à Livraddict et aux éditions du Livre de Poche pour m'avoir permis de passer un bon moment entre les pages de L'Empire des loups !

Sunday, 17 January 2010

[Mes lectures] La chose des ténèbres, de H.P. Lovecraft et autres

Il y a quelques semaines, j'ai émis le désir d'étendre encore un peu ma culture littéraire en découvrant le style fantastique propre à H.P. Lovecraft. Etant donné que je n'avais rien lu des oeuvres de cet auteur pourtant célèbre, Lily m'a gentiment proposé de me prêter un livre "introductif" pour que je découvre cet univers. C'est chose faite depuis un certain temps, et je vous soumets mes premières impressions...


Résumé:

"H.P. Lovecraft (180-1937), le Grand Fantastiqueur, a tant fasciné ses disciples que l'un d'eux, Robert Bloch, l'a mis en scène à la fin de l'Appel de Cthulhu, où il le fait mourir de façon atroce. Le maître réplique dans La chose des ténèbres, où il raconte la damnation de Bloch. A quoi celui-ci répondit par un nouveau texte ! Le jeu a passionné des générations d'écrivains jusqu'à nos jours."




Mon avis:


Ce livre est donc un recueil de dix nouvelles qui commence par celle intitulée "La chose des ténèbres" et qui est de la main même de Lovecraft. Les autres sont écrites par ses disciples, sur le même style et dans le thème du mythe du Cthulhu. C'est le deuxième volume des "Légendes du mythe du Cthulhu".

J'ai lu ce recueil sans difficultés, mais avec un intérêt qui diminuait au fur et à mesure des pages. La première histoire m'a beaucoup plu, mais les autres sont de qualité fort variée: certaines ne sont franchement pas terrible (d'ailleurs, après vérification dans le "dictionnaire des auteurs" qui se trouve à la fin du volume, ce sont celles qui sont de la main des auteurs les moins connus...).

Toutes ces nouvelles se basent sur un principe très audacieux: faire découvrir une légende terrifiante et encore présente, le mythe de Cthulhu, sans jamais en dire trop; créer la terreur sans jamais découvrir la bête. C'est un exercice périlleux pour lequel il faut un doigté qui n'est visiblement pas à la disposition de tous les auteurs présents dans ce recueil. Les premières nouvelles arrivent cependant à vous envoûter (sans que je parle vraiment de "terreur") avec des non-dits, et c'est une impression très agréable qui donne envie d'en lire plus.

Je ne suis pas sûre cependant que ce recueil soit la meilleure façon d'aborder Lovecraft. Le fait que la seule nouvelle écrite de sa main soit celle que j'ai préférée est bon signe, mais je n'ai pas eu l'impression de plonger dans son univers. C'est un peu comme si on commençait à découvrir le monde d'Harry Potter en lisant "Les Contes de Beedle le Barde". Le premier contact est bon, mais ce n'est encore qu'un tout premier contact.

Je compte donc prolonger la découverte dès que j'en ai l'occasion. J'hésite à lire ces oeuvres en anglais, parce qu'en français le style recherché genre classique du XXème siècle et le vocabulaire assez riche me font craindre de ne pas tout saisir dans la version originale. Mais en tous cas je me plongerai dans ce monde dès que j'en aurai l'occasion.

Monday, 11 January 2010

[Mes lectures] Les secrets des mille et une nuits, de Dalal Henry

Suite à un partenariat organisé par Livraddict, les Editions Baudelaire m'ont envoyé un livre d'un style encore différent de ceux que je vous ai présentés jusqu'ici: il s'agit cette fois-ci d'un ouvrage de recherche, d'une analyse documentaire. Je me suis proposée pour lire ce livre parce que le sujet, les contes des 1001 nuits, fait partie des nombreux trous béants dans ma culture... Je l'ai abordé sans presque rien savoir ni à propos des contes, ni à propos de la religion et culture musulmanes, et sans aucune formation en psychologie, la science sur laquelle se base cette recherche. Voici ce que ça a donné...


Résumé:

Ce livre est une thèse de doctorat de psychologie sur l'analyse des fameux contes des 1001 nuits. En disséquant les phrases, les mots, les idées et les comportements des personnages, en procédant par questionnements, ironies et étonnements, l'auteur tente d'éclaircir le monde présenté dans les contes. L'étude est centrée sur les rappors de pouvoir qui animent les différentes catégories de personnages. Elle cherche à répondre aux questions: pourquoi cette oeuvre ? Qui l'a créée ? Dans quel objectif ? Pourquoi tant de femmes massacrées ? Pourquoi nous fascine-t-elle ? Qui se cache derrière cette oeuvre et pourquoi ?


Mon avis:

Moi qui ne connaissais rien aux contes des mille et une nuits, j'ai beaucoup appris dans ce livre. Je sais maintenant que cet ensemble narratif est composé d'un conte-cadre, expliquant comment Shahrazâd en vient à raconter pour sauver sa vie; j'ai appris qu'il n'y avait pas 1001 contes mais seulement 111, certains racontés en plusieurs fois; j'ai appris que de nombreux contes s'imbriquaient les uns dans les autres, lorsqu'un personnage d'un conte se met à en raconter un autre. Heureusement pour moi, l'auteur consacre une petite centaine de pages à résumer les contes en question, ce qui m'a permis de comprendre l'analyse par la suite. Mais je n'ai pas manqué d'être surprise: ces contes sont tous si bizarres, si peu féériques bien que pleins de magie, ils sont très loin de tous se terminer heureusement ou d'obéir à une logique que je considérerais comme morale, certains sont carrément révoltants. Ils s'imbriquent les uns dans les autres d'une façon qui n'est pas toujours facile à suivre, mettent en scène des tas de personnages humains ou non, et en fin de compte on a parfois tendance à s'y perdre; comme dit l'auteur:
"Les récits ont également un aspect négatif, car les contes qui se suivent les uns les autres ne laissent aucun espace de réflexion. L'individu submergé par la parole se perd dans les identifications successives, n'a pas le temps de se retrouver, devient passif."
Même si je ne savais pas grand-chose sur ces contes, certains ne m'étaient pas inconnus: l'histoire de Sindibâd (Sindbad) le marin me disait quelque chose, par exemple, et des bribes d'autres contes ont été réutilisées dans des films ou d'autres oeuvres. Mais la grande majorité de ces histoires m'étaient inconnues et certaines m'ont franchement choquée. Beaucoup de meurtres, de condamnations à mort, de viols, d'injustice, des femmes rabaissées, battues en toute impunité, des pauvres volés... Il faut un peu de temps pour s'habituer à ça ! Pour vous donner un petit exemple, voici une partie du conte intitulé "Histoire du roi 'Umar et de ses deux fils":
'Umar Al-Nu'mân, était le roi de Bagdad. Il était très puissant et son royaume s'étendait de l'est à l'ouest. Il avait quatre épouses et trois cent soixante concubines. Une seule de ses concubines lui avait donné un fils, Sharkân, toutes les autres étaient stériles.
Sharkân était un excellent cavalier, très courageux et connu dans le monde entier pour ses exploits militaires. (...)
Abryza, la fille du roi Grec, était une excellente cavalière. Elle se mesura à Sharkân au combat et tomba amoureuxe de lui. Elle quitta son pays et son royaume pour le suivre. Elle s'installa chez son père le roi 'Umar. Ce dernier était également épris d'elle, mais elle se refusa à lui. Alors sur le conseil de son vizir Dandân, il l'endormit et la viola.
Enceinte de ce viol, elle décida de fuir. Elle partit avec une jeune esclave sous la garde d'un esclave du roi. En route, elle fut violée et tuée par l'esclave qui la gardait.
L'enfant fut récupéré par le roi grec, son père. (...)
Du coup, après avoir lu ces contes et l'introduction qui relève toutes les injustices et bizarreries du conte-cadre, on a très envie d'en savoir plus: quel peut bien être le sens de toutes ces histoires ? Pourquoi s'est-on amusé à inventer un tel ensemble d'aventures surréalistes et cruelles ? Comment ont-elles pu devenir si populaire et survivre pendant des siècles de transmission orale ?

C'est là que l'auteur nous apporte des réponses à nos questions. Elle décortique la culture derrière ces histoires, analyse les personnages, leurs comportements et leur signification. Elle constate puis interprète de façon très crédible. Au fur et à mesure, on se rend compte que toutes ces histoires apparemment sans liens font en réalité partie d'un ensemble, qu'on peut diviser leurs composants en catégories. Voici par exemple ce qui est dit de deux catégories de personnages:
"Les personnages qui sont nommés par leurs métiers ou autre signe distinctif forment une classe sociale sans grande importance. Ils n'influencent en rien le cours des choses. Ils sont très peu respectés car les autres se moquent d'eux à chaque occasion. Ils sont considérés comme des simplets ou des imbéciles qui sont prêts à tout croire. Ils sont pauvres, mais il n'y a pas d'hésitation lorsque l'occasion se présente pour quelqu'un, de les voler, ou les rendre encore plus malheureux. Ce qui n'empêche que certains d'entre eux peuvent devenir riches par miracle et rois."
"La première disposition des femmes mariées semble être la trahison. Elles sont prêtes à tromper leurs maris à tort et à travers. Elles étaient jeunes, belles et séduisantes, mais après le mariage, elles n'attirent plus; par contre, elles subissent le charme des jeunes hommes et cherchent à les séduire. Elles sont menteuses, inventrices d'histoires impossibles à croire, rusées et par-dessus tout, elles sont mauvaises conseillères."
Avouez que c'est assez révoltant; et pourtant, l'analyse va nous prouver que tout ceci a un sens, qu'un message passe au travers de ces caricatures. L'auteur détaille les images du pouvoir, les figures des héros, les thèmes d'ordre social, psychologique, ou de types "croyances". Le tout sans être trop scientifique, dans un language clair et accessible à tous (même si quelques tournures de phrases un peu bizarres - comme "certains d'entre eux peuvent devenir riches par miracle et rois" - me font penser que l'auteur n'est pas francophone de naissance). Ce n'est pas une lecture de type divertissant, mais c'est extrêmement instructif de plonger dans cette culture si différente, de s'immerger dans une autre façon de penser. Ca se lit chapitre par chapitre, par petites gorgées pour ne pas se perdre et pour aborder une problématique à la fois. Au final, les questions sont résolues, et même si on n'adhère pas aux principes moraux mis en valeur, on est très satisfait de l'analyse.

Voici donc un livre qui vous plaira si comme moi vous êtes curieux de découvertes et avides de connaissances, un livre de référence original dans une bibliothèque. Je remercie donc tout particulièrement les Editions Baudelaire de me l'avoir fait découvrir.

Vous trouverez sur la page Bibliomania du livre ses références complètes et les critiques d'autres lecteurs.

Saturday, 19 December 2009

[Mes lectures] Deux romans de Franck Thilliez

Une amie m'a généreusement prêté deux thrillers de Franck Thilliez; c'est un auteur français qu'elle adore et que je ne connaissais pas du tout. J'ai donc lu "Deuils de miel" et "La forêt des ombres" pour découvrir pleinement son oeuvre. Et pour une fois, je vous offre une double critique...


Résumés:

Dans Deuils de miel, on découvre le commissaire Sharko, un héro qui a visiblement déjà été présenté au public de Thilliez via une autre oeuvre. Il a perdu sa femme et sa fille dans des circonstances particulièrement traumatisantes, et le voilà qui doit se forcer pour faire encore face à la vie et dominer ses pulsions de vengeance. Sa reconstruction passe par la reprise du métier qui est toute sa vie maintenant, celui d'enquêteur. On lui confie donc un cas particulièrement surprenant: une femme retrouvée morte, agenouillée, nue et entièrement rasée dans le confessional d'une église. Elle a visiblement été assassinée d'une façon inédite: ses organes ont implosé. Et voilà Sharko parti à la chasse d'un meurtrier amateur d'énigmes aussi cruel qu'astucieux...

La forêt des ombres met en scène David Miller, embaumeur et auteur de polars amateur, qui est un jour contacté par un vieil homme handicapé, Arthur Doffre. Celui-ci lui fait une offre étrange: il lui demande, contre une rémunération mirobolante, de l'incarner dans un polar où il ferait également revivre un tueur en série historique terriblement cruel et dont le mystère n'a jamais été totalement percé. Et comme si ce n'était pas déjà assez bizarre, il exige que David vienne écrire son roman, en un mois, dans un chalet perdu au milieu des bois. Evidemment, dès que David, sa compagne et sa petite fille arrivent sur les lieux avec Doffre et sa compagne, les mauvaises surprises s'accumulent, et petit à petit la psychose s'installe...


Mon avis:

Tout à fait honnêtement, même si j'ai été contente de découvrir un auteur assez populaire en ce moment (et merci à Gaëlle pour le prêt), j'ai été assez déçue de ces deux lectures. Il y a des thrillers dont l'intrigue palpitante fait oublier la pauvreté du style; des polars dont les personnages hors du commun dissimulent une intrigue sans grand intérêt; des romans noirs dont le style rachète les faiblesses du fond. Mais ces deux romans-là n'ont pas grand-chose à offrir au lecteur exigeant ou blasé.

Point de vue intrigue, d'abord. A ce niveau-là, "Deuils de miel" a une longueur d'avance: si le jeu de piste mis en place par le tueur est quand même largement capillotracté (terme qui fait beaucoup plus sérieux que "tiré par les cheveux", il faut bien l'avouer), le lecteur a au moins la satisfaction de ne pas pouvoir deviner les rebondissements de l'enquête. Quoi que, ceci ne vaut pas pour un petit mystère annexe franchement facile à résoudre bien avant le héro. Par contre, en ce qui concerne "La forêt des ombres", quelle déception ! Au fur et à mesure que le soi-disant mystère se met en place, on repère sans le vouloir les éléments qui seront censés créer la panique. Ils sont tellement évidents que ça en est désespérant. Je n'irai pas jusqu'à dire que j'aurais pu deviner pas à pas ce qui allait se passer, mais quand on souhaite être surpris par le tableau et qu'on commence par nous déposer tous ses éléments en main, c'est beaucoup moins amusant... Pour tout dire, arrivée au milieu du livre, je n'avais plus tellement envie de savoir la suite. La mort pour un polar !

Reconnaissons quand même à Franck Thilliez une certaine inventivité dans la création de ses décors. D'accord, le chalet dans les bois construit autour d'un chêne, ce n'est pas courant. Les expériences qu'on y mène non plus. L'épave abandonnée dans un espèce de dépotoir à bateaux où il emmène Sharko, le confessional de l'église où on lui offre la première victime, on ne les trouve pas dans tous les polars. C'est un fait. Mais "inventivité" ne veut pas dire "originalité". Les décors de Thilliez sont trop grandioses, comme sortis d'un film sans prétention, un assemblage de produits certifiés à haute teneur en adrénaline. Facile de placer un huis clos dans un chalet lugubre perdu au fond des bois et isolé par la neige; le jour où un auteur enfermera ses personnages dans un loft tout confort au milieu d'une grande ville et arrivera à y insufler une atmosphère de terreur, alors là je dirai bravo. Les scènes sont parfois un tel ramassis de clichés que ça en devient un peu ridicule, comme cette station de métro fantôme à laquelle on accède par le sous-sol d'un bar sordide... On a même les roulements de tam-tams en fond sonore et les néons malades pour illuminer la scène. Manquerait plus qu'un albinos aux mains de géant pour vous y conduire, mais pas de bol, on n'aura droit qu'au grand noir à dreadlocks...

Point de vue personnages, d'ailleurs. Là aussi, le maître-mot est: clichés. Sharko rentre parfaitement dans le moule du flic ravagé par la vie et la violence, et sa patronne c'est la belle plante parfaitement à l'aise dans son rôle de maîtresse au milieu des durs; David Miller c'est le brave type un peu rêveur et très amoureux, sa femme la mégère hystérique ou en bonne voie de le devenir, Doffre, le milliardaire impotent mais volontaire. Vous les avez déjà croisés ? Malheureusement, moi aussi. Ce qui ne leur donne pas plus de crédibilité, vous remarquerez. Comment peut-on être aussi impunément violent que Sharko, aussi naïf et prévisible que Miller ? Il est peut-être là, le mystère de l'intrigue.

Quant au style... Il varie entre le "passable" et le "médiocre". Je dois dire que j'ai eu du mal avec les dialogues, peu naturels. Pour le reste, ça se laisse lire, sans aucun intérêt. Ce qui est un mal courant au pays des thrillers, il faut bien l'avouer, mais pas systématique: je suis en train de lire un polar qui échappe totalement à cette règle, je vous en reparlerai. Et puis, dans d'autres cas, comme je le disais, on pardonne ce défaut lorsqu'on est transporté par une histoire palpitante... ce qui n'est pas le cas ici.

Pour conclure, je suis bien obligée de constater une chose: je suis devenue difficile en matière de romans policiers. C'est un genre que j'ai toujours aimé lire et à force, je vois trop vite les ficelles, je fais trop souvent des comparaisons, je ne suis plus aussi facilement surprise. C'est bien dommage pour moi, parce que ça m'a empêchée d'apprécier une lecture dans laquelle, je peux très bien le concevoir, certains trouveront beaucoup de divertissement. Dans tous les cas, Franck Thilliez et moi, je crois que ça n'a pas été le coup de foudre. Mais que ça ne vous empêche pas de tenter votre chance parmi ses pages...

Tuesday, 8 December 2009

[Mes lectures] Le livre des choses perdues, de John Connoly

Voici un livre qui m'a été généreusement prêté (en anglais) par Miss Spooky Muffin. Elle l'a choisi elle-même, à ma demande, car j'adore les surprises. Et sur ce point-là, je n'ai pas été déçue: c'est une découverte pour le moins étonnante...


Résumé:

David, 12 ans, a hérité de sa maman une passion pour les livres de contes. C'est tout ce qu'il lui reste, quand sa maman meurt et qu'il se retrouve obligé de vivre avec une belle-mère et un demi-frère qu'il déteste. Des choses bizarres commencent alors à lui arriver: il s'évanouit sans raison, entend les livres parler, et aperçoit un Homme Biscornu qui fouille sa chambre en son absence. Puis, une nuit, la voix de sa maman l'appelle dans le jardin et l'entraîne à travers un passage caché. David se retrouve alors dans un autre monde, peuplé de créatures bizarres et dangereuses, où il brave chaque jour de nouvelles aventures pour atteindre le Livre des choses perdues qui lui permettra de rentrer chez lui...


Mon avis:


Quand Miss Spooky Muffin m'a apporté le livre, elle n'a pas pu le décrire plus précisément qu'en disant: "c'est un livre vraiment bizarre". Au moment de faire ma critique, je comprends son problème: comment décrire une histoire pareille ?

D'abord, sous de nombreux aspects, c'est un conte. Il est écrit comme un conte, en commençant par "Il était une fois" et en utilisant ce style si particulier des conteurs: une distance avec le sujet couplée à une description précise des faits et des pensées, une présentation factuelle et sans passion des scènes les plus terribles. J'ai beaucoup aimé ce style qui laisse au lecteur le soin de mettre lui-même les points d'exclamation, il a réussi à me toucher dès les premières pages.

C'est aussi un conte dans sa ressemblance à l'histoire d'Alice au pays des merveilles. Tandis qu'Alice suit un lapin dans son terrier, David suit la voix de sa maman au travers d'un trou dans un jardin un peu particulier. Tous deux se retrouvent dans un monde à la fois semblable au leur mais différent; celui de David n'est illuminé que par un demi-jour, les arbres sont étranges et la vie ressemble à celle du Moyen-Age, mais il a ses ponts, ses villages et ses routes comme n'importe quel monde. Dans les deux cas, le monde est peuplé d'êtres étranges, basés sur des êtres réels mais déformés par l'absurde. Enfin, David et Alice cherchent tous deux à retrouver leur monde à eux après avoir fait l'erreur de passer volontairement dans le nouveau.

Mais "Le livre des choses perdues" n'est pas qu'un conte. Tout le début se situe dans la réalité, une réalité qui n'est pas qu'esquissée comme dans les contes traditionnels, mais une réalité sérieuse, un monde en guerre, une perte affective, le sentiment de trahison de David vis-à-vis de son père. Ensuite, le monde dans lequel il atterrit n'a rien du monde loufoque et comique d'Alice. La plupart des créatures qu'il croise sont tantôt horribles et effrayantes, tantôt atrocement cruelles. David se fait des amis mais ils lui permettent surtout de revivre la douleur d'une perte. De nombreuses scènes sont du bon matériel à cauchemars: les corps mutilés et les morts atroces sont nombreuses, les pièges se suivent, les méchants comme les gentils sont dévorés par des créatures diaboliques, les enfants sont martyrisés et les donjons sont des lieux de terreur. Point de vue émotionnel non plus, le lecteur n'est pas épargné: David souffre et rencontre des gens qui souffrent aussi, il est confronté à la peur, à la douleur, et à des sentiments plus sombres qu'il ne comprend pas bien mais que nous traduisons comme la menace de la pédophilie.

Mais dans tout ça, ce conte-qui-n'est-pas-un-conte parle quand même de contes d'un bout à l'autre. On se rend compte au fur et à mesure que le monde où se retrouve David est constitué autour de ses propres pensées, et donc en partie autour des livres qu'il a lus. Des contes classiques sont ainsi transposés, souvent pour le pire. Le Petit Chaperon Rouge est en fait une jeune fille débauchée à l'origine d'un peuple de monstres, la Belle au Bois Dormant est une sorcière qui attire les chevaliers pour mieux les tuer, ce genre de choses. Dans l'édition que l'on m'a prêtée, il y a à la fin plus d'une centaine de pages d'explications de l'auteur, avec les contes originaux qu'il a utilisés et ses raisons de les inclure ou de les modifier; c'est très intéressant, et on se rend compte de la logique sous-jacente. Un passage seulement m'a vraiment fait rire: celui où David rencontre Blanche-Neige et les septs nains, mais une Blanche-Neige obèse et mégère qui vit avec des nains communistes, lesquels ont essayé de l'assassiner avec une pomme en faisant croire que c'était l'oeuvre de sa belle-mère. Je me suis tellement amusée en lisant ce passage que j'ai regretté qu'il n'y en ait pas plus sur le même ton.

Au total, ce conte-qui-n'est-pas-un-conte-mais-qui-parle-de-contes laisse une impression durable bien que difficile à définir. L'auteur a un don particulier pour créer une ambiance oppressante et pour présenter des tableaux puissants: l'arrivée de David dans le nouveau monde, suivi par un bombardier en feu, en est une; le champ de bataille médiéval au milieu duquel trône un tank flambant neuf en est une autre (dont je n'ai pas bien compris le sens, d'ailleurs). Le voyage est réellement initiatique pour David qui doit faire face à chacune de ses peurs, apprendre à accepter la mort de sa mère et à réaliser l'injustice de ses sentiments envers sa belle-mère et son demi-frère. Pour le lecteur, si l'apprentissage est difficilement transposable, c'est quand même un parcours qui fait souvent battre le coeur. Une expérience à tenter, vraiment.

Saturday, 28 November 2009

[Mes lectures] Sous le cèdre, de Catherine Thomas-Anterion

Toujours dans mon objectif de varier les styles de lectures, je viens d'en tester un radicalement différent et qui manquait encore à mon palmarès: la poésie. J'ai lu "Sous le cèdre" grâce à un partenariat entre Livraddict et Les Editions Baudelaire. Une découverte pour le moins intéressante, puisque ça fait bien longtemps que je n'avais pas abordé ce genre littéraire.


Résumé:

"Sous le cèdre invite à s'abriter sous l'arbre majestueux, pour chercher l'ombre, se protéger de la pluie, ou regarder la lumière à travers les branches horizontales. (...) L'écriture tantôt travaillée comme la laque déposée en plusieurs couches pour augmenter la brillance, tantôt simplifiée à l'extrême, invite le lecteur à comprendre de quel bois il est fait. Le voyage poétique solitaire révèle l'expérience fabuleuse d'être en symbiose avec l'autre, si proche et si dissemblable, au point d'être une espèce différente, et ce pour un bénéfice mutuel: Sous le Cèdre, je profite de la fraîcheur, regarde couler la sève dans mes artères (...) et permets aux branches de s'élever en massant les racines."


Mon avis:


D'habitude, lorsque je commente un livre sur ce blog, je m'amuse à vous proposer un résumé personnel; je prends plaisir à présenter l'histoire telle que je l'ai ressentie, en quelques mots bien choisis, un petit exercice intéressant qui me permet de rassembler mes impressions de lecture. Pourtant, cette fois-ci, c'est la quatrième de couverture que je vous soumets. Tout simplement parce que je serais incapable de vous résumer un livre dans lequel je me suis perdue.

Au début, je n'ai pas mesuré le danger. Je savais qu'il s'agissait de poésie, un genre que je connais peu, mais que j'ai toujours abordé très simplement: en commençant par le début et en attendant de me laisser bercer. Ma recette pour toutes les lectures, en fait. Et ça a très bien fonctionné pour ce qui a constitué mon expérience très limitée dans le monde de la poésie: Baudelaire, Rimbaud, Prévert... De grands classiques très scolaires que je parcours encore pour le plaisir, tout en sachant très bien qu'ils ont depuis lors été remplacés par une poésie plus libre.

En ouvrant ce recueil-ci, j'ai découvert une oeuvre divisée en textes d'une page en moyenne, eux-mêmes composés de paragraphes d'une à trois phrases à peu près. Des titres mais pas de rimes ni de rythme. Et au bout de trois ou quatre textes, j'ai constaté que c'est tout ce que j'en retenais: la forme, parce que le contenu ne m'atteignait pas.

J'ai donc recommencé, plus lentement, plus attentivement. J'ai fait l'effort de m'arrêter après chaque paragraphe, de le relire sans trop me forcer mais en prenant le temps de visualiser chaque phrase. J'ai persévéré pendant une quinzaine de textes, un tiers du recueil environ, puis j'ai renoncé encore une fois: visiblement, ma technique n'était pas la bonne. J'arrivais à situer le sens d'un mot, parfois le sens d'une phrase, très rarement le sens d'un paragraphe et jamais celui d'un texte. Plus l'ensemble grandissait, plus il me paraissait flou; pas le flou agréable, celui où l'on nage dans l'ignorance cotoneuse tout en sentant le sol ferme de la compréhension sous ses pieds, mais le flou total, le grand vide du trou noir. Au niveau de l'ensemble le plus grand, le recueil, j'étais dans l'obscurité totale.

J'ai donc à nouveau raffiné ma technique et j'ai repris depuis le début. Cette fois-ci, j'ai analysé. J'ai lu chaque texte, souligné, pris des notes, mis en rapport les champs sémantiques avec le titre, comparé la longueur des paragraphes, leurs enchaînements. D'un texte à l'autre, j'ai recherché les différences, les contours, les raisons qui faisaient que telle phrase avait sa place ici, telle autre sa place là-bas. J'ai adopté une optique scolaire. Et j'ai découvert certaines choses, certaines phrases qui avaient du sens, une certaine logique dans certains textes. Le texte "l'air traversé" parle de la nature à chaque paragraphe, celui intitulé "les jours heureux" rassemble de nombreux mots exprimant des sentiments agréables, et "le chant des oiseaux" alterne des passages sur les oiseaux, la musique ou les bruits. J'ai aussi noté une certaine symétrie entre le début et la fin du recueil: un premier paragraphe "sous un grand pin foudroyé", qui mentionne l'hiver et les larmes; un dernier paragraphe "sous le Cèdre", décrit un moment qui rappelle le printemps.

Pourtant, au terme de l'analyse, force me fut de constater que ce ne devait pas être la bonne méthode non plus, puisqu'elle ne marchait que par intermittence. Le texte "les merveilleux nuages" ne mentionne pas le moindre nuage, celui qui s'intitule "Cyrius" ne m'a pas donné le moindre renseignement sur le sens de ce mot, et quand parfois je sens un contexte s'esquisser au fil des phrases, c'est pour qu'il soit totalement hors-propos au paragraphe suivant.

Alors j'ai repris à nouveau ma lecture, non plus du début à la fin, mais en toute liberté. J'ai ouvert une page au hasard, je l'ai lue à haute voix, j'ai cueilli une phrase un peu plus loin, je l'ai suivie sur quelques paragraphes, je l'ai abandonnée quand je n'y ai plus trouvé mon compte, j'ai dérivé de pages en pages. C'est finalement la méthode qui m'a parue la plus satisfaisante. J'ai pêché de très jolie phrases qui, prises individuellement, m'ont beaucoup satisfaite, et je les ai sorties de leur contexte que je ne comprenais pas. Quelques exemples:
Enfermée, j'ai gardé au chaud des pépins de vie. J'ai maintenant tant à semer.

Sur le mur, une fine couche de neige. Dans mon coeur, le crépitement du feu.

Le doute est un poison que le goût amer révèle à temps.

Je suis folle à délier.

Tes mots ne me quittent plus, je les porte en écharpe et ils sont plus doux que des bas de soie.

Pourtant, ce ne sont là que des bribes; je ne peux citer un seul texte que j'aurais envie de relire en entier. Je me sens un peu moins coupable quand je lis de l'auteure que "son écriture est à la fois profonde (hermétique et secrète) et très concrète comme la parole simple." Je ne peux qu'approuver: des mots simples, oui, mais un sens global hermétique. Secret aussi, car j'ai eu souvent l'impression que tout ceci n'a été écrit que pour une seule personne, un lecteur privilégié qui sait de quel cèdre il s'agit, à qui le mot Cyrius rappellera quelque chose. Moi, au-delà d'une phrase ou deux, je me suis sentie laissée à l'écart.

Au total, je peux affirmer que ces textes-là m'ont laissée dans la marge. Ce que j'ignore encore, c'est si le recueil en est la cause, ou si je suis tout simplement trop cartésienne pour ressentir toute la qualité d'une poésie libre. J'ai un peu perdu pieds pour ce premier plongeon, mais peut-être faut-il encore que j'apprenne à nager ?

Friday, 27 November 2009

[Mes lectures] Les 1001 vies de Billy Milligan, de Daniel Keyes

Je continue ma petite exploration des genres littéraires les plus variés avec, cette fois-ci, ce qu'on pourrait appeler un "docu-fiction". Ce livre décrivant une histoire vraie m'avait été recommandé récemment par des membres de Livraddict; aussi quand le Livre de Poche nous en a offert une dizaine d'exemplaires au mois d'octobre, j'ai sauté sur l'occasion !


Résumé:

Ohio, 1977. William Stanley Milligan est arrêté pour le viol de trois jeunes femmes. Des preuves irréfutables l'accusent, mais lui dit ne se souvenir de rien. Devant son comportement étrange, ses avocats demandent une expertise psychiatrique. Les médecins se rendent alors compte qu'ils n'ont pas affaire à un seul homme, mais à de multiples personnalités qui se partagent le même corps. Devant leurs yeux, Billy se transforme en Arthur, l'Anglais autain et raffiné; Ragen, le Yougoslave violent à la force physique impressionnante; Adalana, la lesbienne en manque d'affection; David, le petit garçon qui prend sur lui toute la douleur des autres... En tout, 24 personnalités différentes qui cohabitent sans toutes se connaître, qui prennent à tour de rôle le contrôle de Billy sans savoir ce que les autres lui ont fait faire et qui dirigent sa vie chaotique depuis de longues années.



Mon avis:

Cette histoire carrément époustouflante est difficile à lâcher quand on a commencé, et personnellement j'ai été hypnotizée du début à la fin.

Le livre est divisé en trois partie. Dans la première, l'auteur décrit les faits qui ont mené à l'arrestation de Billy, puis la découverte de ses personnalités multiples, son procès et une partie des soins psychiatriques dont il a fait l'objet, jusqu'au moment où apparaît une personnalité qui connaît l'entièreté de l'histoire de Billy et qui peut donc la raconter. Dans la deuxième partie, on reprend donc son histoire depuis sa jeunesse, on assiste à l'apparition des différentes personnalités et à la vie tumultueuse de Billy qui le mène aux viols. Enfin, une troisième partie, plus courte, reprend l'histoire à partir de là où on l'avait laissée à la fin de la première: la suite de ses soins psychiatriques, l'emballement médiatique autour de son cas et son enfermement en centre pénitentiaire.

L'ensemble est raconté sur le ton des livres de Pierre Bellemare, le côté sensationnel en moins: l'auteur décrit les faits en romançant légèrement les réactions des personnages, mais surtout en nommant scrupuleusement tous les intervenants et en détaillant les enchaînements d'actions et d'événements. On lit presque un compte-rendu journalistique, à la fois froid et captivant. Très vite, la surprenante maladie de Billy est dévoilée, et on se demande un peu comment l'auteur va réussir à tirer plus de six cent pages quand les personalités multiples s'expliquent dès les premiers chapitres et que son procès est bouclé avant la deux-centième page.

Mais tout le talent de Daniel Keyes est là: sur la base de ses nombreux entretiens avec Billy, il a su reconstituer toute sa vie, ou plutôt toutes ses vies. Et on est carrément bluffé. On suit toute son histoire comme on lirait un roman de science-fiction, un peu comme dans la vieille série américaine "Code Quantum", où une expérience scientifique malheureuse envoie le héro prendre la place d'individus variés dont il doit changer le destin. Très vite, on oublie que Billy n'est qu'une seule et unique personne, on voit à travers ses yeux et on comprend très bien le désordre de sa vie.

Là où Daniel Keyes fait également preuve de génie, c'est quand il nous permet de suivre toutes ses aventures sans trop se perdre au milieu des nombreux intervenants. Il y a bien quelques noms qui nous échappent, mais les principaux sont vite identifiés et repérés sans effort. C'est particulièrement impressionnant quand on se rend compte du mic-mac des différentes personnalités de Billy: il y a celles qui dominent, celles qui se cachent, celles qui sont bannies, celles qui connaissent certaines autres mais pas toutes... Un vrai système logique et compliqué, mais que l'on découvre progressivement sans jamais s'y perdre. Notez quand même qu'il y a un glossaire des personnalités de Billy à la fin du livre, mais forcément, je ne l'ai vu que quand j'ai terminé ma lecture...

Bref, une histoire vraie difficile à croire et absolument passionnante, bien écrite et extrêmement bien documentée. On en sort bouche bée avec l'envie de la raconter à tout le monde.

Je n'ai que deux critiques à émettre sur ce livre: la première, c'est le parti-pris résolument en faveur de Billy qui est affiché par l'auteur, surtout dans la troisième partie. Non seulement il ne remet jamais en cause l'existence des personnalités multiples (ce qui semble normal si elle est attestée par pas moins de cinq spécialistes et s'il est persuadé de les rencontrer lui-même), mais il a tendance à subtilement présenter sous un jour négatif ceux qui prennent Billy pour un manipulateur et la populace qui réclame justice pour les viols ou craint pour sa sécurité. Dans une description aux apparences objectives, un petit mot peut faire beaucoup pour aliéner le lecteur à un personnage, et plusieurs de ces petits mots parsèment les compte-rendus des passages devant la cour dans la troisième partie du livre.

Une autre petite critique que je ferais est un manque de soin dans l'édition: j'ai repéré une bonne dizaine d'exemples où il manquait un espace, un point, ou deux mots étaient collés ensemble, et c'est un peu dommage même si ça n'handicape pas la lecture.

Bref, je vous recommande la lecture de ce livre, non pas si vous cherchez un beau morceau de littérature, mais si vous vous souhaitez découvrir ce destin qui sort vraiment du commun.

Pour finir, un passage où l'on discerne bien l'ensemble des personnalités réagissant de façons différentes alors que Billy est seul:

On le jette dans une cellule, nue en dehors d'un matelas recouvert d'une alèse de matière plastique, et l'on referme la porte sur lui. En l'entendant claquer, Ragen bondit. Il va l'enfoncer ! Mais Arthur arrête son geste. Samuel s'empare du projecteur et tombe en prière: "Oy Veh ! Mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ?" Philip se rue contre la porte en jurant et c'est David qui prend sur lui la douleur. Christine sanglote, à plat ventre sur la paillasse et Adalana sent les larmes qui ruissellent sur ses joues. Christopher s'assied sur son séant et tripote le bout de ses souliers. Tommy entreprend d'examiner la serrure de la porte mais Arthur le tire à l'écart du projecteur. Allen demande à parler à son avocat. April, qu'anime un désir de vengeance, rêve qu'elle met le feu à l'hôpital. Kevin pousse des jurons. Steve l'imite. Lee rit aux éclats. Bobby imagine qu'il s'envole par la fenêtre. Jason pique une violente colère. Mark, Walter, Martin et Timothy arpentent la pièce en divaguant. Shawn émet un bourdonnement. Arthur ne dirige plus les indésirables.

Merci au Livre de Poche pour cette lecture qui m'a beaucoup plu, et à Livraddict pour avoir organisé ce partenariat !

Friday, 20 November 2009

[Mes lectures] Perdre est une question de méthode, de S. Gamboa.

Je pense que dans cette rubrique "mes lectures", je ne vous ai pas encore présenté un vrai roman policier, si ? Il y a bien eu "Coule la Seine", mais c'était un recueil de nouvelles. Il y a eu aussi "Mercy Thompson", mais l'intérêt réside plutôt dans le côté "bit-lit" que le côté "thriller". Alors ça y est, voici enfin un vrai roman noir, un policier un peu bizarre, d'un auteur colombien en plus de ça. Encore une découverte due au pur hasard des partenariats proposés par Livraddict, cette fois-ci en collaboration avec son partenaire les Editions Points.


Résumé:

Victor Silanpa, la quarantaine désabusée, est journaliste criminel à Bogota. Grâce à sa collaboration avec le commissaire Moya, il arrive en même temps que la police sur les lieux d'un crime particulièrement crapuleux: au bord du lac du Sisga, un homme a été empalé et crucifié. Tandis que la police peine à identifier la victime, Silanpa mène de son côté une enquête difficile. Sa vie privée déjà chaotique devient réellement compliquée, et tandis qu'il perd peu à peu la femme qu'il aime, il s'enfonce rapidement dans une histoire dangereuse mêlant de riches entrepreneurs immobiliers sans scrupules, un club de naturisme et une mafia de politiciens et hommes d'affaires véreux.


Mon avis:

Comme d'habitude, je me suis lancée dans cette lecture sans du tout savoir à quoi m'attendre, et comme souvent, il y a du pour et du contre. Dans ce cas-ci, deux gros points positifs, plusieurs petits points négatifs, et quelques points sur lesquels je m'interroge encore.

Pour commencer par le positif, je dois dire que j'ai adoré ce qui fait une des grandes spécificités de ce livre: la plongée dans le monde colombien. Cette histoire se passe entièrement à Bogota et dans ses alentours, elle est écrite par un auteur colombien qui décrit le monde qu'il connaît sans essayer de nous le présenter sous son meilleur jour, sans non plus tomber dans les clichés, et avec lui on se perd dans les petites rues sombres comme si on y habitait. La découverte est parfois lugubre, parfois comique, toujours envoûtante. J'ai adoré plonger dans l'atmosphère d'un pays et d'une ville à l'opposé de ceux que je connais: anarchiques, corrompus, spontanés, violents et accueillants à la fois. Les règles ne sont pas les mêmes, les maffieux se pavanent dans les meilleurs hôtels, les prostituées côtoient le luxe, tout s'achète et tout se négocie, la loi du plus fort est la règle mais les inconnus deviennent amis pour un rien. Ce livre ne donne peut-être pas envie de passer ses vacances à Bogota, mais il en laisse certainement une image précise à l'esprit.

Une autre chose que j'ai beaucoup aimé, ce sont les personnages, surtout ceux qui se rangent du côté du héro. Ils ne tombent pas dans les archétypes du roman policier, sont crédibles et attachants chacun à leur façon. Il y a d'abord Silanpa lui-même: ses hémorroïdes, sa poupée qui lui tient compagnie, sa fidélité pour son ami Guzman, son sale boulot qui lui fait honte, ses tendances alcooliques et surtout ses sentiments si profonds pour Monica en font un héro auquel on peut facilement s'attacher, un mec bien mais bien réel, un sensible dans un monde de brutes. La jeune Quica est touchante de naïveté, elle fait penser à une enfant qui se débrouille comme elle peut dans une vie où elle est née sans atouts. Estupiñan est comique, plein d'entrain, efficace et presque toujours joyeux, un petit souffle frais dans les moments les plus sordides. Ce sont des personnages hors-normes, décrits uniquement par leurs actes et leurs paroles, mais dont on se fait une image assez précise sans cette impression de déjà-vu que je déteste. Une belle réussite. Les méchants sont bien méchants aussi, mais sans exagération, pour la plupart ce sont surtout des arrivistes sans scrupules ou coincés de tous côtés et qui croient que pour l'argent tout est permis, pas de vrais sadiques. Encore une fois, des nuances que j'apprécie dans un roman surtout basé sur l'action.

Parmi les points négatifs, celui qui m'a posé le plus de problèmes c'est la difficulté que j'ai rencontré à distinguer les personnages dans la première moitié du livre, et à discerner leurs rôles. Les noms espagnols m'étant très peu familiers, j'avais tendance à les confondre, surtout quand le même personnage était désigné par son nom ou par son prénom suivant les interlocuteurs. Il a plusieurs fois fallu que je retourne en arrière pour resituer un intervenant. En plus de ça, parmi les méchants, ça a longtemps été le chaos: impossible de savoir qui faisait quoi, qui était en relation avec qui. Leurs conversations étaient sybillines, et toujours présentée sans préciser le nom de l'interlocuteur à qui correspondait telle réplique, ce qui fait que dans les dialogues un peu longs j'étais perdue à tous les coups. On sent le ton aggressif ou supérieur, mais sans savoir qui exactement l'emploie, frustrant ! On sait très vite qu'une histoire de terrains est en cause et que quatre ou cinq personnes sont impliquées, mais on ne comprend rien de plus avant la moitié du livre, malgré de nombreux passages où l'on sent que l'on pourrait glaner des informations.

Au point de vue de l'intrigue, elle est plutôt lente pour un roman policier. Le héro est longtemps perdu, et si nous en savons un peu plus (mais à peine), on se demande pendant la moitié du livre où tout ceci va nous mener. D'autant plus que la victime principale est vite oubliée: de fil en aiguille, on se retrouve au milieu d'un mic-mac immobilier, et ce n'est que tout à la fin qu'on apprend enfin qui a été tué et pourquoi. D'ailleurs les péripéties de cet assassinat rocambolesque sont dévoilées en une fois, brusquement, grâce à des documents retrouvés un peu par hasard. Alors qu'au début du livre on s'attend à un parcours sanglant à la recherche d'un meurtrier sadique, après avoir tourné la dernière page on se rend compte que l'empalé du début n'était qu'un déclencheur pour une intrigue beaucoup plus terre-à-terre. Ca ne m'a pas particulièrement dérangée, mais j'ai quand même été un peu déçue du dénouement.

A partir du chapitre 3, un chapitre de temps en temps est narré par le commissaire Aristophane Moya, qui raconte sa vie en relation avec la gastronomie dans le but d'entrer dans un club qui va l'aider à maigrir grâce à la religion. Mes impressions sur ces chapitres ont varié en cours de lecture. Au début je me suis dit: "mais qu'est-ce que ça vient faire là ?". Ensuite j'ai plutôt apprécié ces petits intermèdes bien racontés, assez humoristiques, qui offraient un peu de fraîcheur dans une histoire autrement assez sordide. Mais au fur et à mesure que j'avançais vers la fin, j'en suis venue à me demander à nouveau quelle était l'utilité de toute cette histoire. La toute dernière partie m'a offert la solution tout en me décevant: le lien qui relie l'intrigue principale avec cette narration secondaire est finalement très ténu, j'aurais préféré que l'auteur trouve un "prétexte" un peu plus solide pour nous raconter la vie et les repas d'Aristophane Moya.

Au niveau du style, j'ai apprécié le côté très vivant, même si ça complique un peu la lecture: les enchaînements sont parfois sous-entendus, les interlocuteurs sont de temps en temps difficiles à discerner. J'ai repéré quelques traductions un peu bizarres, comme "Garde du corps" pour le film "Bodyguard" (présenté sous ce nom en français), ou "les bois" pour parler des montants du goal de football. D'autre part, l'explication du titre du livre est terriblement légère, c'est une citation qui n'a pas grand-chose à voir avec l'histoire, même si on essaie de l'appliquer au personnage principal. Et puis, petit détail, une fois le livre terminé on se rend compte que la quatrième de couverture est bourrée d'erreurs: Silanpa est journaliste avant d'être détective (alors qu'il est écrit l'inverse), on y dit qu'il est aidé de Quica dont il est "sous le charme" alors qu'en réalité c'est Estupiñan qui l'aide dans son enquête et il est sous le charme de Monica... Ca fait beaucoup d'erreurs sur trois phrases.

Au total, je donne peut-être l'impression d'avoir vécu une lecture pénible, mais c'est loin d'être le cas: j'ai passé un assez bon moment. Je n'ai pas vécu ma meilleure expérience de lecture, mais j'ai beaucoup aimé découvrir une plume et une atmosphère vraiment originales, et c'est quelque chose que j'apprécie d'autant plus que j'ai souvent été déçue des romans policiers qui reproduisent sans cesse les mêmes recettes. Au final, je pense que si je croise un autre roman du même auteur, je ne le laisserai pas filer avant de l'avoir lu. C'est bon signe, non ?

Pour finir, un petit passage, peut-être pas vraiment représentatif de l'humeur générale mais qui m'a vraiment fait sourire, coincé entre un viol manqué et une course-poursuite:
Dans la rue, c'était le déluge. Elle arrêta un taxi et lui donna son adresse puis eut un regret et demanda au chauffeur:
- Vous faites des courses en dehors de Bogota ?
- Oui, à condition qu'on me paye le double de ce que marque le compteur plus un forfait parce que je franchis le périmètre urbain, une taxe parce que je m'éloigne des êtres qui me sont chers, et un viatique pour les repas. A quoi il faut ajouter une petite somme pour l'assurance maladie et accident, plus une taxe de risque si c'est une zone de guerrilla ou de paramilitaires.
- C'est près du Sisga.
- Un instant, je regarde. Je crois qu'il y a une épidémie de dengue par là et... il n'y a pas aussi un front des FARC ?

- Je paie ce qu'il faut, mais on y va.
- Je dois vous dire, Madame, que vous aurez à payer la taxe d'éloignement. Le Sisga n'est pas loin mais il faut que je vous prévienne que je suis très famille.

- Je vous ai dit que je paierai ce qu'il faut.